Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Attac 33
Débiles !
le p’tit grain N°137
Article mis en ligne le 28 janvier 2011
dernière modification le 8 mai 2012

« Débiles » !, ainsi Alain Rousset juge-t-il les arguments des opposants de la ligne à grande vitesse . . . Dans l’édition du Journal Sud-Ouest datée du mardi 25/01 les élus écologistes, auxquels s’adressaient ses amabilités du nouvel an, « persistent et signent ». Peut-être auraient-ils pu « renvoyer l’ascenseur » ?

Débile provient du latin « débilis » qui signifie amputé, infirme, incapable. Les opposants à la LGV seraient donc d’après Alain Rousset incapables d’opposer aux partisans de la grande vitesse ferroviaire des arguments sérieux et pertinents. Sans doute leur cerveau est-il privé de sa partie gauche, la zone du raisonnement logique et rationnel ?

Pour le chef de l’exécutif régional, la raison consiste très certainement à considérer qu’un territoire n’est viable que s’il est sillonné d’autoroutes et de lignes à grande vitesse, que s’il accueille des usines, des sièges sociaux de multinationales, des complexes touristiques, bref que s’il est capable de s’inscrire dans le cadre d’une économie mondialisée et concurrentielle où des directeurs de société et des turbo-cadres doivent en permanence se déplacer le plus rapidement possible d’une zone d’activité à une autre.

Le dernier numéro du journal d’information du Conseil Régional est d’ailleurs tout à la gloire de l’A65 et d’une économie basée sur le transport, sur les échanges circuit long, bref sur la dépense énergétique dans un monde que l’on sait menacé par le changement climatique et le renchérissement de l’énergie. Et les priorités affichées dans le domaine routier se retrouvent également dans le domaine du transport ferroviaire .

L’obsession du chronomètre est omniprésente. Même si, dans le cadre d’une stratégie de communication qui met en avant le développement durable, « l’Aquitaine » ( c’est le nom du magazine d’information édité par le Conseil Régional) insiste sur l’amélioration de l’offre de transport régional et l’inter-modalité, les sommes allouées à la régénération des lignes ferroviaires seront sans aucune mesure avec le coût de la LGV Atlantique pour la région Aquitaine.

Au final, ce sont les salariés et les usagers de la SNCF qui finiront par payer, en bout de course, les investissements et les choix de gestion déséquilibrés des différents partenaires associés au projet.

Sur ce dossier comme sur beaucoup d’autres, il semble bien malheureusement que nos grands décideurs soient débiles, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire amputés d’une sensibilité écologique qui pourrait leur permettre d’appréhender les problèmes de façon différente.

A l’heure des catastrophes climatiques en série (le massif landais fut frappé par la tempête Klaus il y a tout juste deux ans), il est affligeant de constater que nos responsables politiques manquent à ce point de sagesse et de volonté : ils devraient orienter nos choix collectifs avec lucidité et clairvoyance, ils ne font que se soumettre à l’idéologie du moment . Leur vision du monde est étriquée, bornée, dressée par la société de croissance et de consommation ; ils se contentent d’accompagner voire d’accélérer le mouvement et ne tiennent aucun compte des signaux d’alerte qui se multiplient. Ils sont prisonniers du modèle économique dominant, de la techno-science, de l’industrie et de la finance qui les dépassent et qui leur imposent systématiquement des décisions pourtant contraires à la préservation « d’une terre tout entière malade de son environnement et de ses modes de vie »*, ils sont rendus infirmes par notre civilisation et sans nul doute atteints d’une forme de débilité.

Jean-Luc Gasnier

* tiré de l’éditorial d’Alain Rousset ( dans le magazine « Aquitaine ») intitulé « choisir » et consacré à justifier l’A65.