
De vastes études illustrent l’éventail de séquelles potentielles d’une infection. Si elles doivent être affinées, elles rappellent que la circulation du virus n’est pas sans conséquence sur la santé globale.
"Vivre avec le virus." Quand il est apparu, ce slogan décrivait un futur lointain. Il résume désormais l’attitude adoptée dans la plupart des pays d’Europe, dont la France, où les restrictions sanitaires ont quasiment disparu. Plus de 130 000 personnes sont testées positives au Covid-19 chaque jour, un total jamais atteint avant la fin de 2021, mais le sujet a disparu du débat public. Pourtant, le virus n’a pas cessé d’être dangereux. Il tue toujours 101 personnes par jour en moyenne, pour la plupart vulnérables ou non vaccinées. Une série d’études récentes a en outre levé le voile sur ses effets à long terme : après une infection, le risque d’autres pathologies augmente, même pour ceux qui ne présentent pas de facteur de risque, ne développent pas de forme grave et ne sont pas touchés par le Covid long.
En avril 2021, une première étude de trois chercheurs de l’Université de Saint-Louis (Etats-Unis), publiée par la revue Nature*, identifiait une myriade de problèmes de santé qui touchaient plus fréquemment les personnes ayant eu le Covid-19. Grâce à une vaste base de données de santé de vétérans de l’armée américaine, les auteurs avaient comparé près de 5 millions de non-malades et 77 000 personnes testées positives, à partir du trentième jour après leur infection. Cinq mois plus tard, elles présentaient davantage de troubles respiratoires et souffraient aussi plus de "troubles du système nerveux et neurocognitif, de la santé mentale, du métabolisme, cardiovasculaires, gastro-intestinaux, malaises, fatigue, douleurs musculosquelettiques et anémie" que les personnes au profil similaire n’ayant jamais été testées positives. Même les malades non hospitalisés présentaient ce risque de séquelles.
Un risque accru de troubles cardiaques
Depuis, cette base de données a servi à plusieurs études de la même équipe, dont une portant sur les risques cardiovasculaires, publiée en février dans Nature*. "Elle montre un risque multiplié par 1,5 ou 2 sur tous les événements", pas seulement les inflammations cardiaques bien connues chez les malades du Covid-19, observe Ariel Cohen, ancien président de la Société française de cardiologie. Chez les personnes testées positives (plus de 150 000 ont été observées), le risque d’AVC est ainsi multiplié par 1,52 dans l’année suivant l’infection, le risque d’embolie pulmonaire par 2,93, celui de syndrome coronarien aigu par 1,72.
"Au début de la pandémie, on pensait que le Covid-19 était simplement une source de décompensation des risques existants", se souvient Ariel Cohen. C’est-à-dire que des personnes prédisposées à ces problèmes les déclaraient à l’occasion d’une infection par le Sars-CoV-2. Les résultats de ces chercheurs américains sont "une surprise", reconnaît-il. (...)
Dans l’esprit du grand public, le Covid-19 est davantage associé à des symptômes comme la perte du goût et de l’odorat. Mais ceux-ci soulignent que le virus touche aussi le cerveau et le système nerveux. Les malades du Covid long rapportent notamment des difficultés à se concentrer et une forme de "brouillard mental". Une étude sur le cerveau de singes infectés par le virus, publiée le 1er avril dans Nature Communications*, montrait des atteintes "pouvant mener [à ces] symptômes neurologiques à long terme du Covid long", y compris chez les animaux n’ayant pas développé une forme sévère.
"Des chercheurs alertent sur un risque de démences" favorisées par les dégâts engendrés par le virus, rapporte Olivier Robineau. Les auteurs d’un article publié par la revue Science* en janvier, notent que les atteintes observées chez certains malades "soulèvent la possibilité que l’infection puisse accélérer ou déclencher le développement futur de malades neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson". (...)
Un virus "révélateur" de cas de diabète
Cette approche statistique a des limites. Une dernière étude de ces données, publiée le 21 mars dans The Lancet*, observe que les personnes guéries du Covid-19 ont plus de chances (+40%) de développer un diabète de type 2 dans l’année qui suit. La pandémie laissera "un héritage de maladies chroniques", affirme son auteur principal, Ziyad Al-Aly, dans Nature*. Eric Renard, vice-président de la Société francophone du diabète, n’y voit pas d’indication que le virus lui-même provoque du diabète.
"Le lien le plus évident est un lien de révélation. Le Covid-19 stresse l’organisme, ce qui peut révéler un diabète latent." (...)
Des maladies "qui restent rares"
"Il faut rester serein", plaide l’infectiologue Olivier Robineau. Les études récentes montrent "un sur-risque indiscutable" de certaines pathologies pour les malades du Covid-19, "mais sur des événements qui restent rares. (...)
Il rappelle aussi que d’autres éléments, comme le tabac et l’alimentation, sont des facteurs de risque qui pèsent bien plus lourd dans le développement de maladies cardiovasculaires, par exemple. (...)
L’étude des séquelles du Covid-19 n’en est par ailleurs qu’à ses débuts. D’autres travaux devront les confirmer et affiner la mesure des risques entraînés par le Covid-19, sur des populations plus représentatives que les vétérans de l’armée américaine, un public plus âgé et masculin que la moyenne.
Ces risques du Covid-19 restent par ailleurs, selon ces mêmes études, proportionnels à la gravité de la maladie : un constat rassurant alors que l’essor du variant Omicron et de la vaccination ont diminué la part des malades sévèrement atteints. Mais pour Jérôme Larché, ce que l’on sait des séquelles encourage à "activer tous les leviers possibles pour éviter d’être contaminé, du vaccin au port du masque". "Le Covid-19 est tout sauf une petite infection passagère et sans conséquences", rappelle-t-il.