
Cofondateur du Centre d’informations Inter-Peuples, Jo Briant habite à la Villeneuve, quartier de Grenoble en état de siège depuis quelques jours. Pour cet ex-professeur de philo, engagé sur tous les fronts depuis un demi-siècle, le « traitement anti-criminalité » de la situation par les forces de l’ordre contribue à enfoncer davantage le quartier dans la stigmatisation et la souffrance sociale. Témoignage d’un habitant en colère.
...Au-delà des faits, ce que je veux dire, ce que je veux crier, avec d’autres habitants, au-delà de ma colère : l’approche et le traitement exclusivement sécuritaires de ce type de « fait divers » sont aberrants, surtout avec tout ce déploiement et cet arsenal « anti-terroriste » et guerrier. Depuis plus de dix ans la police dite de proximité n’existe plus à la Villeneuve, les policiers n’ont plus aucun contact avec la population, leur seule apparition, leur seule visibilité étant réduite à ces irruptions aussi brutales, massives, spectaculaires qu’aberrantes, qui ne peuvent provoquer que haine et volonté d’en découdre....
...omment expliquer que le quartier de la Villeneuve, dont la création remonte aux années 72 sur la base d’une utopie collective, qui a effectivement été essayée et réalisée partiellement jusqu’aux années 90, se soit à ce point« ghettoïsé », appauvri, dégradé ? Pourquoi cette concentration progressive d’une population de plus en plus précarisée, en grande majorité d’origine immigrée, en état de grande souffrance économique et sociale, notamment les jeunes dont au moins 50% sont sans emploi et sans aucune perspective ? Avec la fuite parallèle d’une proportion significative de la classe moyenne intellectuelle, dont je fais partie, dont beaucoup d’éléments n’ont pu supporter cette dégradation ?...
...la panne de l’ascenseur social, la montée massive du chômage, la précarisation croissante des jeunes, l’accentuation de la ségrégation urbaine, autant d’effets directs du capitalisme néo-libéral, avec des effets particulièrement dévastateurs dans des quartiers populaires comme celui de la Villeneuve....
...C’est bien à toute une politique économique, sociale, urbaine secrétée par un système capitaliste et un libéralisme destructeurs et profondément inégalitaires, qu’il faut s’attaquer. Ainsi qu’à des logiques sociales et urbaines discriminatoires et, disons-le, racistes....
...La population de la Villeneuve, notamment les jeunes, comme celle des quartiers populaires, comme celle de Villiers-le-Bel ou de Saint Denis en région parisienne, est bel et bien victime d’une triple discrimination, sociale, économique et raciste. Tant qu’on ne s’attaquera pas à ces racines d’une exclusion terrifiante et dévastatrice, on ne fera au mieux que différer des explosions de plus en plus inévitables....
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