
Le maire de Mantes-la-Jolie Raphaël Cognet dirige Politicae, une école censée former les futurs élus locaux et financée par le milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin. Malgré plusieurs alertes, le parti d’Édouard Philippe réitère son soutien.
Officiellement, Édouard Philippe affiche une position claire et constante. Il est opposé au Rassemblement national (RN), à l’extrême droite, et n’envisage aucun rapprochement avec elle. L’ancien premier ministre jugeait même le ralliement d’Éric Ciotti à Marine Le Pen, prémices de l’alliance entre la droite et l’extrême droite, « consternant et contre nature ». Et pourtant.
Au sein de son parti Horizons, le maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet, gravit peu à peu les échelons. Il enchaîne les interviews, accepte les invitations de CNews et monte dans le parti. L’édile prend aussi du galon ailleurs, dans la sphère du milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin, sans que cela gêne ni l’ancien premier ministre ni son entourage.
Depuis 2023, cet élu des Yvelines, catholique assumé, s’est associé au maire de la petite commune de Saint-Jeoire (Haute-Savoie), Antoine Valentin, par ailleurs membre du parti d’Éric Ciotti, l’Union des droites pour la République (UDR). Ensemble, ils développent l’institut Politicae, une structure majoritairement financée par Pierre-Édouard Stérin et pensée par le milliardaire comme l’« école des futurs maires » chargée de « former et faire gagner en 2026 environ 1 000 maires de petites et moyennes communes ».
C’est l’un des outils principaux de Périclès, ce projet mis en place par le milliardaire et dont l’acronyme dit tout de son idéologie : « Patriotes enracinés résistants identitaires chrétiens libéraux européens souverainistes ». Avec cela et 150 millions d’euros sur dix ans, le fondateur de Smartbox, qui prône aussi une politique nataliste « de souche européenne », compte faire gagner la droite, l’extrême droite et surtout le RN aux élections en nouant des « liens de confiance » avec Jordan Bardella et Marine Le Pen en priorité, comme l’avait révélé L’Humanité. (...)
« Indépendamment des partis politiques, nous offrons des clés pour comprendre les mécanismes de la politique locale et les moyens d’agir pour le bien commun », peut-on lire sur leur site.
Selon Raphaël Cognet, Politicae n’aurait donc « aucun lien » avec l’extrême droite. « C’était la condition de ma participation au projet et elle a toujours été respectée », dit-il en assurant que les formations proposées ont « un très large spectre de candidats ».
Un outil pour l’extrême droite
En réalité, cette structure, installée selon nos informations dans les locaux parisiens de l’entreprise de Pierre-Édouard Stérin, a tout d’un organe mis en place pour œuvrer à la victoire de l’extrême droite. D’abord, comme l’avait déjà raconté Mediapart, les contributeurs formateurs sont presque exclusivement issus de la droite réactionnaire ou de l’extrême droite. (...)
Ensuite, l’émission « Cash Investigation » diffusée le 24 juin, qui a pu infiltrer deux séminaires de formation à Paris, est venue étayer ce constat et balayer les arguments de Raphaël Cognet. Selon France 2, l’école ne semble pas ouverte à toutes et tous : sur les deux candidatures de journalistes sous couverture, seule celle présentée comme étant de droite a pu accéder à la formation.
Le contenu des séminaires laisse aussi peu de place au doute. La communication y est enseignée par Jean Bexon, un journaliste de Boulevard Voltaire. Lors de sa formation, la plupart des exemples énumérés sont issus de la droite dure ou de l’extrême droite : un maire RN, un membre de Reconquête ou encore Nicolas Dupont-Aignan qui propose l’ouverture d’un bagne aux îles Kerguelen. Jordan Bardella ou Éric Ciotti sont également des modèles à suivre lors du cours dispensé par Antoine Valentin, l’acolyte de Raphaël Cognet. (...)
Et contrairement à ce qu’affirme le maire de Mantes-la-Jolie, cette école a bien pour but explicite non pas de former tous les élus locaux, mais ceux capables de battre la gauche. « C’est des menteurs, des voleurs, ils sont nuls, ils ont des sarouels, ils ressemblent à rien », lâche Antoine Valentin, filmé à son insu, à propos des candidat·es de gauche. Les candidat·es de droite ou d’extrême droite, eux, auraient « un meilleur programme » et seraient « les plus sérieux ».
Des mensonges sous serment ?
Le 6 mai, Arnaud Rérolle, l’un des bras droits de Pierre-Édouard Stérin, était auditionné devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale dédiée à l’organisation des élections. Comme Raphaël Cognet, il a expliqué que Politicae était un organe indépendant de Périclès et que ni l’un ni l’autre n’étaient d’extrême droite. L’étiquette « Horizons » illustrerait même « la dimension apartisane » du projet. (...)
Le sujet est d’autant plus délicat que Pierre-Édouard Stérin est au cœur d’une enquête judiciaire concernant des soupçons de financement illégal de campagnes électorales du Rassemblement national.
Selon nos informations pourtant, et contrairement à ce qui a été tenu sous serment, Périclès ne fait pas que soutenir financièrement Politicae, mais semble bien œuvrer en coulisses pour accompagner des candidat·es formé·es par Politicae. Des candidat·es capables de faire basculer des mairies « dans le camp du bien », celui de la droite ou de l’extrême droite. (...)
Le soutien aveugle du parti Horizons (...)