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12 McDonald’s n’ont jamais fermé et ont mis en danger employés et clients
Article mis en ligne le 27 avril 2020

Ils appartiennent au même homme : Bernard Simmenauer. Pour rester ouverts, il a fait prendre de graves risques aux salariés et clients. MacDo’ veut généraliser ses méthodes.

« Attends, je m’éloigne du restaurant… Je regarde autour… C’est bon, on peut parler », marmonne doucement Grégoire (1), employé de chez McDonald’s en Indre-et-Loire. « Je préfère être précautionneux. Je crois qu’on m’a balancé aux supérieurs parce que je me suis plaint des conditions sanitaires de travail. J’ai osé demander pourquoi on était les seuls à rester ouverts en France. » L’homme, âgé de 30 ans officie dans l’un des douze fast-foods à n’avoir jamais fermé pendant la pandémie, sur les 1.500 Macdos qui parsèment la France. (...)

Bernard Simmenauer a bénéficié d’une autorisation nationale, délivrée par le gouvernement Macron au Snarr (Syndicat National de l’Alimentation et de la Restauration Rapide), pour maintenir ses ventes à emporter. Un passe-droit dont il a pleinement profité non sans provoquer quelques troubles au sein de ses établissements. (...)

« Aucune mesure n’était mise en place. On n’avait ni masque, ni gant à disposition et quand on en demandait, nos supérieurs se moquaient de nous et nous balançaient : “Vous n’avez pas 70 ans”, “C’est qu’une grippe”. » (...)

Après plusieurs jours de réflexion, Tiffany demande finalement un droit de retrait avec deux de ses collègues. S’ensuit alors un long bras de fer avec son supérieur. « Personne ne voulait prendre la responsabilité de le signer. Apparemment, ça n’existe pas le droit de retrait chez McDo. Il m’a également menacé de nous coller des absences injustifiées. » Devant la pression de sa direction, une des deux collègues prend peur et flanche. De son côté, Tiffany obtient finalement la validation de son droit de retrait, sans savoir si elle retrouvera son poste. (...)

Le 25 mars, elle reçoit finalement un courrier signé Bernard Simmenauer exigeant son retour au fast-food et lui signifiant la fin de son droit de retrait après la mise en place de nouvelles mesures sanitaires. « Ces nouvelles mesures, c’était de la théorie ! On avait en réalité seulement des caches-barbes et toujours pas de masques. Il y avait des gants et des délimitations de zones au sol pour qu’on soit tous à un mètre les uns des autres, mais c’est inapplicable… Pareil, le lavage des mains toutes les 15 minutes, je peux vous dire que ce n’est pas du tout respecté et qu’il n’y a personne derrière nous avec un chronomètre. » (...)

« On ne comprend pas pourquoi on nous met autant en danger pour des menus McDonald’s ! On trouve ça ahurissant qu’en période de pandémie mondiale, avec des dizaines de milliers de morts et l’arrêt de l’économie, McDonald’s arrive à figurer parmi les entreprises essentielles à la vie des Français. Et, encore plus choquant, que seule notre franchise soit restée ouverte. On s’est sentis comme des cobayes pour tester des mesures de sécurité qui n’étaient pourtant pas au point. » (...)

Les deux droits d’alerte déposés aux fast-foods de Tours les Deux-Lions et Tours Grand Marché ont depuis été retirés sous les menaces de licenciements massifs de Bernard Simmenauer. La majorité des droits de retraits demandés dans six restaurants ont également été annulés sous la pression du patron. Certaines primes ou promotions ont par ailleurs été gelées pour plusieurs « mutins », selon de nombreux salariés contactés. (...)

Au siège de McDonald’s France, le cas de Bernard Simmenauer fait débat. Un cadre du groupe voulant rester anonyme confie : « Le discours qu’on a en interne, c’est que Bernard Simmenauer est un précurseur qui fait tout bien. À aucun moment, dans l’entreprise, on s’est plaint qu’il était ingérable. » Autrement dit, McDonald’s France a, au début de la fermeture nationale des restaurants, laissé faire sciemment son franchisé. Plusieurs sources affirment même que la maison-mère aurait envoyé des cadres observer les mesures sanitaires laborieuses bricolées par Bernard Simmenauer. Des informations intéressantes pour McDonald’s France qui, en parallèle, commençait tout juste à élaborer une organisation du travail adaptée au virus Covid-19. (...)

Personne n’est dupe, en ouvrant dès le lendemain de l’annonce des fermetures nationales, on sait tous qu’il a mis en danger la santé de ses salariés. Peut-être dispose-t-il de pistons au niveau régional, qui lui permettent de faire comme il veut », s’interroge le cadre du siège de McDonald’s France.
Amitié préfectorale

Selon des témoignages de salariés, Bernard Simmenauer s’est plusieurs fois vanté à haute voix de sa relation privilégiée avec Corinne Orzechowski, préfète d’Indre-et-Loire. La réciproque ne semble pas infondée. (...)

depuis mars, de nombreux salariés ont alerté les équipes de la préfète via une adresse mail créée pour répondre aux questions liées au Covid-19. (...)

Le 2 avril, Manuela Antonio, membre de la CGT d’Indre-et-Loire, a organisé une conférence de presse. Avec d’autres organisations syndicales, elle dénonce frontalement les conditions sanitaires précaires dans lesquelles opèrent les employés de Bernard Simmenauer. Corinne Orzechowski et ses équipes préfectorales sont alors dans la salle. « La préfète nous a répondus en évoquant une baisse de 50% des offres à Pôle Emploi et d’une hausse de 10% des inscriptions à Pôle Emploi. » Les chiffres avant tout. (...)

À l’issue du point presse, les organisations syndicales, médusées par le peu d’éléments apportés par la préfecture, proposent un suivi de l’affaire McDonald’s. Près d’un mois après la réunion, « on ne les a jamais revus », assure la syndiquée. Le lendemain, initiée par l’ONG ReAct, une lettre ouverte est adressée à McDonald’s France. Manon Aubry et Leïla Chaibi, toutes deux députées européennes La France Insoumise, ainsi que de nombreux élus locaux, interpellent publiquement l’entreprise sur la « violation des normes sanitaires et les violations du droit du travail ».

Contactée, la préfète n’a pas donné suite à nos demandes d’entretiens.

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Selon un représentant national de la CGT pour la restauration rapide, il ne fait aucun doute que la préfecture, tout comme la Direccte, sont les complices de Bernard Simmenauer

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le cas de Bernard Simmenauer est progressivement devenu embarrassant pour la branche française. La multiplication des inspections du travail et des mouvements sociaux dans ses fast-foods ont fini par ternir sa réputation. Ses douze restaurants ont d’ailleurs été intégrés en catastrophe à la communication de McDonald’s France, comme faisant partie des tests du siège, dans le cadre d’une réouverture nationale des drives. L’employé du siège confirme :

« Les douze restaurants de Simmenauer ne faisaient pas partie de ceux que nous avons testé. Notre direction a juste eu besoin de justifier leurs ouvertures en disant que ça faisait partie de leurs essais, car les scandales autour de Bernard Simmenauer deviennent tellement gênants. »

(...)
De nombreux drives s’apprêtent donc à rouvrir en France. Leur organisation de travail reposera en partie sur les observations réalisées dans la franchise controversée. Après presque deux mois de luttes acharnées pour quémander des mesures sanitaires plus efficaces, censées éviter toute contamination aussi bien chez les salariés que chez les clients, Charles (1), employé du restaurant Tours Grand Marché, ne reconnaît plus son travail. « Aujourd’hui, quand on veut aller chercher quelque chose dans les stocks, c’est comme dans une comédie musicale. Tout le monde s’arrête et opère une rotation synchronisée pour s’écarter à un mètre de la personne. Les managers n’assument plus leurs rôles et sont devenus agents de la circulation. Il y a une charge mentale immense pour contrôler tous ses mouvements et toujours rester à un mètre de chaque collègue. Ils ont mis des rubalises (bande rouge et blanche) et tendeurs au sol et en l’air partout dans le restaurant pour faire respecter ça. Résultat, on se prend les pieds dedans ou on se baisse pour les éviter », raconte l’employé, exténué. (...)