
La lutte contre les violences faites aux femmes est-elle toujours la grande cause du quinquennat ? La situation actuelle des femmes qui demandent une mise en sécurité permet d’en douter. (...)
Une directive de l’État, tombée quelques jours avant l’été, demande aux services du 115 dans les départements de réduire le nombre de nuitées hôtelières d’urgence accordées aux sans-domicile ou aux femmes victimes de violences. Ce sont déjà des rustines au manque criant de places en foyers d’hébergement d’urgence. « La jeune fille a pleuré, s’est demandé comment elle allait faire, évoque Valérie L., la travailleuse sociale qui lui a répondu. Elle a ajouté qu’elle allait chercher parmi ses contacts. Elle n’était pas du tout véhémente. J’aurais préféré qu’elle m’engueule. »
Vers une obligation de porter plainte ?
Partout en France, la situation s’est tendue au cours de l’été. « Des consignes très claires ont été données aux préfets pour réduire le nombre de places, avec un tri des vulnérabilités, explique Nathalie Latour, déléguée générale de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité). Nous avons eu un été catastrophique. »
À Toulouse, la préfecture de la Haute-Garonne a mis fin à l’hébergement à l’hôtel de trente-trois femmes victimes de violences conjugales, sans qu’aucune autre solution leur soit proposée. (...)
Il arrive aussi que des associations s’organisent pour suppléer l’État et payer des nuits d’hôtel sur fonds propres, financés par des dons privés. (...)
« Dans notre département, la préfecture a dit début juillet que le 115 devait supprimer soixante-dix personnes du dispositif des nuitées d’hôtel avant que l’on puisse de nouveau mettre des femmes victimes de violences en sécurité, rapporte Raphaël M., travailleur social. Qu’en attendant, rien ne serait possible. »
Mediapart a eu accès à plusieurs consignes préfectorales qui somment les associations de prioriser les publics accueillis, précisant qu’elles seront contrôlées sur ce point. Dans la plupart des cas, les femmes victimes de violences font partie des publics prioritaires, mais il y a parfois des conditions restrictives. (...)
Des hébergements d’urgence qui durent cinq ans…
Ce resserrement des conditions d’accueil des femmes victimes de violences n’est pas nouveau, assurent Rebecca T. et ses collègues. « Depuis janvier, une personne victime de violences ne peut être mise en sécurité que dans son département de résidence », rapporte Valérie L., qui a dû refuser de secourir une femme qui avait quitté la région parisienne pour se réfugier chez des amis. Les professionnel·les sont par ailleurs tenus de renseigner, dans le logiciel du 115, des informations toujours plus nombreuses sur la situation personnelle des femmes. Il arrive aussi qu’on leur refuse une nuit d’hôtel au prétexte d’un nombre d’enfants trop élevé.
De plus, « cela fait des années que le manque de possibilités de relogement enkyste ces femmes dans les foyers spécialisés. Alors, les hébergements d’urgence deviennent des hébergements à moyen voire à long terme » (...)
Sur le terrain, le double discours du gouvernement a des conséquences violentes pour les femmes victimes. (...)
Les travailleurs et travailleuses sociales savent qu’un dépôt de plainte ou un premier départ d’une femme victime conduit généralement à une aggravation des violences. « Ne pas répondre à leur besoin alors qu’elles viennent justement de s’opposer à l’agresseur les met vraiment en danger », s’offusque Léa G. (...)