
Après plusieurs affaires, l’inspection générale de la ville de Paris a achevé en juillet 2024 un rapport sur la gestion de La Salésienne, l’une des plus grandes associations sportives de la capitale. Mediapart se l’est procuré.
C’est un document d’une soixantaine de pages, jusque-là resté dans les tiroirs de la mairie de Paris. Fin 2023, à la suite de révélations du Parisien sur des abus sexuels et des faits de harcèlement au sein de La Salésienne, la ville de Paris diligente une mission d’inspection générale sur la gestion de ce club historique de la capitale. Association sportive centenaire, fondée en 1913 par un vicaire de la paroisse Saint-François-de-Sales, La Salésienne attire autant la bourgeoisie du XVIIe arrondissement que son maire Geoffroy Boulard, présent sur le bord du terrain lors de certaines rencontres de football. (...)
La figure de proue du club – qui compte plus de 1 500 adhérents – a été au cours de la dernière décennie en proie à plusieurs comportements inappropriés d’éducateurs sur des licencié·es mineur·es, dont certains font l’objet de procédures pénales.
En analysant la réponse de la direction de La Salésienne à ces affaires, les autrices du rapport ont identifié « des points faibles dans la gestion individuelle des comportements dysfonctionnants interrogeant la fonction management et RH ». Parmi ces lacunes, « une pratique récente de signalement immédiat, l’association privilégiant les mesures conservatoires ; une sanction légère dans l’affaire révélée en [2023], une écoute et un accompagnement individuel des personnes victimes à renforcer ».
Parmi les affaires, celle d’un éducateur en service civique, écarté du club en 2017 après le témoignage du père d’une joueuse évoquant des regards insistants sur sa fille de 14 ans et des tentatives pour obtenir son numéro de téléphone.
Trois ans plus tard, c’est le chargé du développement du football féminin Mitch D. qui est licencié pour avoir notamment emmené des joueuses mineures dans des bars et conduit l’une d’entre elles chez lui, où il l’aurait embrassée. À la suite de deux dépôts de plainte, cet éducateur, placé depuis juillet sous contrôle judiciaire, sera jugé le 10 janvier pour corruption de mineur, harcèlement sexuel et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans. (...)
L’une de ses victimes, Camille B., était alors joueuse et mineure. Devenue entraîneuse, elle a plus récemment dénoncé le comportement de deux autres éducateurs, Morad K. et Jonathan G., qui multipliaient les violences verbales, sous couvert de moqueries, à son égard. « J’avais des fragilités psychologiques, j’étais sous antidépresseurs et ils me faisaient des blagues en disant que je devrais prendre plus de médicaments ou me pendre », explique Camille B. à Mediapart.
En octobre 2022, Morad K. aurait maintenu Camille B. au sol, « assis à califourchon sur elle avec le dossier d’une chaise posé sur son cou », selon le rapport de l’inspection générale de la ville de Paris. Un mois plus tard, après que Camille B. lui a renversé de l’eau dessus lors d’une chamaillerie, il enferme la jeune entraîneuse – qui est claustrophobe – dans une pièce pendant une heure.
Ni Aymeric de Tilly, ni Morad K., ni Jonathan G., ni le directeur de La Salésienne n’ont répondu à nos demandes d’interview et à nos questions.
Faibles sanctions au sein du club (...)
Loin de produire un rapport exclusivement négatif, l’inspection générale souligne le fort ancrage local de La Salésienne, son développement, ses multiples labellisations et sa solidité financière. Ses auteures notent cependant « une transparence relative et une information insuffisante de la ville ». En ligne de mire, le conseil d’administration de La Salésienne, dont chacune des réunions laisse peu de traces. « Jusqu’en 2023 compris, aucun PV n’a été rédigé à l’issue des réunions », découvrent les inspectrices.
Même constat pour les rapports d’activité. (...)
L’information des parents de licencié·es est elle aussi cloisonnée. Interrogés par Mediapart, plusieurs d’entre eux décrivent une association où les décisions seraient prises en comité restreint, autour du président Aymeric de Tilly et de sa garde rapprochée. L’un d’entre eux résume : « Nous avons zéro vue sur la gestion de l’association, et on nous fait comprendre que la gestion du club ne nous regarde pas. »