
La fonctionnaire dénonce des violences sur son enfant et sur elle-même de son ex-conjoint gendarme, qui a obtenu la garde de leur fils. Elle vient de saisir le ministre de l’intérieur.
Elle avait confiance en la loi, en la justice, en la gendarmerie. Mais Anaïs*, officier de gendarmerie depuis près de quinze ans, en vient à désespérer face à son ex-conjoint, gendarme également. « Étant moi-même gendarme habilitée officier de police judiciaire et ayant prêté serment devant la justice, je pensais parler avec des gens qui appliquaient la même loi que moi… », se désole-t-elle.
Fin novembre, la fonctionnaire en reconversion a écrit au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, au chef de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) pour demander la « protection » de son fils de 9 ans. Ce dernier aurait signalé à deux reprises des violences commises par son père. (...)
Un rappel à la loi
En décembre 2017, la plainte est classée sans suite, assortie d’un rappel à la loi pour l’ex-conjoint – la sanction pénale la plus faible, prise sans procès par le procureur de la République. Il s’agit d’un « rappel solennel à l’auteur des faits que son comportement constitue une infraction punie par la loi », peut-on lire sur le document.
Depuis, le gendarme a été promu maréchal des logis-chef en septembre 2020 et a obtenu la garde de leur enfant en 2021. Anaïs, elle, ne voit le petit garçon qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. (...)
fin septembre 2023, leur enfant aurait relaté des violences commises par le père, notamment des « tapes sur la tête », « depuis des années » et « régulièrement ». Un médecin constate alors chez l’enfant « un état anxieux sévère, voix tremblante et tachycardie ». La mère dépose plainte pour violences sur mineur dans un commissariat des Hauts-de-Seine. Une procédure y est déjà ouverte. Car, quelques mois plus tôt, en avril 2023, une infirmière scolaire a émis une « information préoccupante » au sujet de comportements violents du père déclarés par le petit garçon.
Depuis, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre, et les investigations ont été confiées à « la brigade territoriale de protection de la famille des Hauts-de-Seine ».
Contacté, le gendarme n’a pas souhaité nous répondre, arguant de son devoir de réserve. Dans des documents que nous avons pu consulter, il nie les faits de violences à l’encontre de son ex-conjointe comme de son fils.
La théorie de la « mère aliénante » (...)
Les « tapes sur la tête », niées par le père, ont aussi été évoquées dans un jugement en assistance éducative de janvier 2023 du tribunal pour enfants de Versailles : « À l’audience, [le petit garçon] a semblé se sentir missionné en venant devant la juge des enfants, revendiquant […] ne pas voir suffisamment sa mère. […] Il a aussi, et comme déjà par le passé sans que cela se soit avéré, vérifié, fait part de tapes sur la tête que lui donnerait son père, décrit comme particulièrement sévère, ce avant […] de rejoindre ce dernier à l’égard duquel il a tout de suite manifesté son affection. »
Anaïs a le sentiment que ni son fils ni elle ne sont entendus par les juges pour enfants et les services sociaux et qu’ils adhèrent tous à la théorie de la « mère aliénante » (l’« aliénation parentale » a été mise en avant par l’avocate de son ex-conjoint dans une requête de 2021 – cette théorie est utilisée pour accuser les mères de manipuler leur enfant). C’est pourquoi Anaïs a décidé fin novembre de saisir le ministère de l’intérieur, l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). (...)
La gendarmerie signale que cela relève de la justice et de l’aide sociale à l’enfance. Et poursuit : « Concernant les faits reprochés au maréchal des logis-chef, ils n’ont pas donné lieu à des suites judiciaires : l’enquête concernant la dernière plainte est en cours. » La gendarmerie précise que, pour « la consultation TAJ, les faits sont trop anciens pour être vérifiés techniquement et sont prescrits pénalement ».
Anaïs ne comprend pas pourquoi la justice considère qu’il y a un « conflit parental » à apaiser. « Il n’y a pas de conflit mais il y a des violences », corrige-t-elle. « On dirait que la justice veut persuader la société qu’un homme violent peut être un bon père. Mais non ! Comment peut-on laisser en poste un policier ou un gendarme violent ? Je me demande combien d’événements dramatiques le gouvernement va encore avoir besoin pour réagir… Je voudrais que l’intérêt supérieur de l’enfant prime réellement. »
Le 11 décembre 2023, les avocates d’Anaïs ont écrit au procureur de Nanterre pour demander une expertise psychiatrique de l’enfant « afin d’évaluer le retentissement psychologique des violences sur lui » et demander l’audition de témoins jamais entendus.