
Un an après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie, des enfants de couples lesbiens risquent de se retrouver orphelins, à la suite d’attaques légales du gouvernement. Reportage à Padoue, où une série d’audiences vient d’avoir lieu à ce sujet.Un an après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie, des enfants de couples lesbiens risquent de se retrouver orphelins, à la suite d’attaques légales du gouvernement. Reportage à Padoue, où une série d’audiences vient d’avoir lieu à ce sujet.
(...) Au tribunal de Padoue se sont tenues le 14 novembre 2023 les cinq premières audiences d’une série de procès civils qui remettent en cause les actes de naissance sur lesquels figurent deux mères. Depuis 2017, année où la ville est passée à gauche, Padoue enregistre sur l’acte d’état civil les mères non biologiques d’enfants nés de couples de femmes. La procédure est motivée par « le principe qu’il faut assurer la plus grande protection possible aux nouveau-nés qui ont, comme tous les autres, deux parents, même si, dans ce cas, il s’agit de deux mères », souligne la mairie dans un communiqué le jour de l’ouverture des audiences.
« En tant que maire, j’ai le devoir de protéger la dignité des personnes avant tout, de protéger tout un chacun des situations qui les exposent à des discriminations et à des risques inacceptables. Cela s’applique d’autant plus lorsqu’il s’agit de petites filles et de petits garçons », précise le maire de Padoue Sergio Giordani (de centre gauche). Puisque rien ne l’interdit dans la loi, le maire, en tant qu’officier de l’état civil, a décidé en 2017 d’inscrire à celui-ci les mères non biologiques d’enfants nés au sein de couples lesbiens. Cela, tout en informant le bureau du procureur (comme le prévoit la démarche), et ce « sans jamais recevoir de contre-arguments », insiste la mairie. Jusqu’au printemps dernier. (...)
Le 23 mars 2023, la procureure de Padoue, Valeria Sanzari, annonce la remise en question de ces actes de naissance qui comprennent deux mères. (...)
Le timing n’est pas anodin : c’est avec l’arrivée du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, à l’automne 2022, que les attaques contre les familles homoparentales ont fait surface en Italie. Début 2023, seulement quelques mois après l’élection de Giorgia Meloni, le ministère de l’Intérieur a émis une circulaire, demandant aux maires de cesser l’enregistrement des parents non biologiques des couples homosexuels sur les actes de naissance de leurs enfants. L’annonce du parquet de Padoue en découle. (...)
Georgia Meloni (du parti Frères d’Italie) n’a jamais caché son hostilité envers les personnes LGBTQI+ (...)
Ce qui se joue au tribunal de Padoue est politique. C’est l’avenir des familles homoparentales dans le pays qui est en jeu. « Plus que d’effacer une mère d’un acte de naissance, le parquet veut effacer un droit fondamental », dénonce l’avocat de quinze des familles, Michele Giarratano, à la presse. Des affaires du même type avaient eu lieu à Milan, rappelle le conseil, mais le parquet n’avait remis en cause que les actes les plus récents. Ici, la circulaire a été appliquée de manière rétroactive, englobant tous les actes émis depuis 2017 (...)
« Je ne pourrai plus les accompagner à l’école, ou les emmener à l’hôpital en cas d’urgence. Et si ma compagne meurt, mes enfants seront considérés comme orphelins, explique la mère derrière ses épaisses lunettes noires. On n’a pas encore expliqué à nos enfants ce qu’il se passe. Pour eux, la famille est un point de repère stable. Leur expliquer que quelqu’un veut détruire cette forteresse, c’est trop difficile pour des enfants si jeunes. Alors, on attend avant de leur dire qu’il y a quelqu’un de mauvais qui veut leur retirer une maman. »
Les audiences se tiennent toutes les semaines, les mardis, jusqu’à Noël. (...)
Mais la Cour constitutionnelle italienne pourrait être appelée à s’exprimer rapidement sur la question à la demande de la nouvelle procureure. Car le ministère public a changé de position depuis le printemps 2023. « Le ministère public a expliqué qu’il avait contesté les actes de naissance pour montrer qu’il y avait un vide juridique et a donc demandé au tribunal de transmettre les documents à la Cour constitutionnelle pour soulever une question de constitutionnalité, explique le quotidien national Il Post. La transmission des actes à la Cour n’est pas automatique : le tribunal décidera de la suite à donner à l’issue des 33 audiences, dont la dernière est fixée au 22 décembre. »
Pour les familles homoparentales, c’est une bonne nouvelle, apprise à l’issue de la première audience. (...)
La mairie de Padoue continue, pendant ce temps, d’enregistrer les parents de même sexe sur les actes de naissance de leurs enfants, puisqu’il ne leur a pas été formellement interdit de le faire. (...)
pour combler ces failles juridiques qui rendent ces familles si précaires, les parents LGBTQI+ d’Italie demandent d’urgence une loi pour les protéger.