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Mediapart
UE : la Commission saborde son propre agenda vert
#UE #urgenceclimatique #Trump #pactevert
Article mis en ligne le 1er mars 2025
dernière modification le 27 février 2025

La Commission européenne a présenté mercredi un projet de révision de textes clés du Pacte vert issus du précédent mandat. En théorie pour renforcer la compétitivité en réduisant la bureaucratie. Les ONG dénoncent une dérégulation sous la pression des lobbies et des extrêmes droites.

Face à Donald Trump, la Commission européenne a enfin donné signe de vie. Elle l’a fait mercredi 26 février d’une manière inattendue : en sabordant quatre des textes du Pacte vert qu’elle avait elle-même défendus au cours du précédent mandat (2019-2024).

Ce chantier, intitulé « Omnibus », est censé renforcer la compétitivité des entreprises sur le continent, dans un moment d’incertitude où les États-Unis ne sont plus l’allié naturel de l’Union européenne (UE). « Les règles et leur complexité limitent notre prospérité », a ainsi devisé lors d’une conférence de presse bruxelloise le Letton Valdis Dombrovskis, commissaire européen chargé tout à la fois de l’économie et de la productivité, mais aussi de la « simplification ».

« La proposition de directive “Omnibus” de la Commission européenne n’a de “simplification” que le nom, ont réagi une dizaine d’ONG françaises, d’Oxfam aux Amis de la Terre. En réalité, il s’agit d’une dérégulation massive et sans précédent, qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis. » Sans surprise, BusinessEurope, la fédération du patronat européen à Bruxelles, se réjouit, elle, d’« une étape positive, pour faciliter le business en Europe »

La situation est inédite : la Commission propose de réviser des directives qui viennent à peine d’être adoptées, et dont la transposition, au niveau des États membres, est toujours en cours. Le premier de ces textes dans le viseur d’Ursula von der Leyen, adopté en avril 2024 par le Parlement européen, a instauré un devoir de vigilance, qui contraint les entreprises à lutter contre les violations de droits humains et les dégâts environnementaux, à travers toute la chaîne de production.

Le deuxième texte porte sur le « reporting de durabilité », qui oblige depuis début 2024 les entreprises à faire état de leurs impacts sociaux et environnementaux. L’exécutif propose aussi de simplifier « la taxonomie verte de l’UE », une boussole censée identifier les activités considérées comme durables, pour mieux flécher vers elles les investissements privés – outil par ailleurs largement discrédité depuis qu’il a intégré, en 2022, le nucléaire et le gaz fossile, sous la pression notamment de Paris.

Enfin, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières – l’autre nom de la « taxe carbone aux frontières » –, censé protéger les économies de l’UE de leurs efforts en matière de verdissement, et qui devait entrer en vigueur à partir de l’an prochain, est également concerné par ce premier train de mesures.

Pressions allemandes et françaises

À Bruxelles, cette dynamique n’est pas une surprise. Les chefs d’État et de gouvernement avaient exhorté dès novembre 2024 la nouvelle Commission à « lancer une révolution en matière de simplification » dans une « déclaration de Budapest », alors que la Hongrie d’Orbán présidait l’UE. Ils et elles proposaient en particulier de « réduire d’au moins 25 % les obligations de déclaration [pour les entreprises] d’ici au premier semestre de 2025 ». (...)

Du côté de la Commission, les éléments de langage sont en place : oui à la simplification, non à la dérégulation (...)

Mais si l’on regarde en détail les propositions de mercredi, difficile de ne pas y voir une manière de réduire considérablement la portée de ces textes – qui étaient déjà, pourtant, le résultat d’âpres compromis au fil de négociations durant des années... (...)

Le texte propose aussi de repousser le calendrier d’entrée en vigueur de la directive et d’alléger le régime des sanctions prévues. Mais aussi de supprimer la clause de revoyure, censée intervenir deux ans après l’entrée en vigueur du texte, durant laquelle devait être discutée l’inclusion des banques dans le périmètre du texte. C’est une victoire de la diplomatie française, qui se démène depuis des années pour exclure – et protéger – son secteur bancaire. (...)

« Non seulement la page du Pacte vert est tournée, mais l’écologie est devenue l’ennemie publique numéro un, dénonce l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint. Aujourd’hui, l’écologie est désignée comme un obstacle à la puissance et à la compétitivité. C’est un alignement sur la vision trumpiste qui ne dit pas son nom. » (...)

Ce n’est pas le seul texte problématique que défend la Commission. Son « Pacte pour une industrie propre » est entièrement organisé autour de l’idée de compétitivité : il faut que les industries énergivores (acier, ciment, etc.) et les clean tech (« technologies propres ») puissent bénéficier d’une électricité la moins chère possible, notamment en baissant les taxes sur l’électricité. Une autre option aurait pourtant pu être la révision de fond en comble du marché européen de l’électricité, première cause d’explosion des prix sur le continent.

Aucune limite n’est posée à la quantité d’énergie consommée par les industriels, aucun durcissement des contrôles sur la compensation carbone, alors qu’elle permet aux acteurs économiques de sous-estimer leurs émissions réelles de CO2. (...)

comme le résume très clairement Stéphane Séjourné, commissaire à la prospérité et à la stratégie industrielle : « L’Europe est un continent où il fait bon faire du business. » D’autres plans sont attendus dans les prochains mois : sur le secteur automobile, l’acier et la chimie.(...)

Ces textes vont désormais êtres débattus au Parlement européen. Il reste à voir si la majorité qui a élu Ursula von der Leyen en juillet 2024 – outre les conservateurs et les libéraux, une partie des sociaux-démocrates et des écologistes – va valider cet élan simplificateur. En début d’année, l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin, influent au sein du groupe libéral, avait pris ses distances avec toute révision du texte sur le reporting durable.

Mais même si certain·es député·es sociaux-démocrates ou écologistes devaient faire défaut, le texte devrait bénéficier d’une large majorité des droites et des extrêmes droites à Strasbourg.(...)

Comme un symbole, relevé par Politico, Ursula von der Leyen s’est déplacée mercredi à Anvers, la ville du nouveau premier ministre belge Bart de Wever, qui est aussi, au Parlement européen, un allié de Meloni au sein d’ECR. En ce début d’année, l’alliance des droites et des extrêmes droites semble plus solide que jamais.