
Sonia et Jehad, Franco-Palestiniens tous les deux, ne se sont jamais rencontrés. Évacués de la bande de Gaza début novembre avec leur famille, ils témoignent auprès de Mediapart de leur quotidien sous les bombes, de leur expédition jusqu’à Rafah, et de la perte de leur ancienne vie.
Au milieu du brouillard, dans une zone industrielle du sud-ouest de la France, un complexe d’appart-hôtel se confond avec la grisaille ambiante. Un homme, cheveux blancs, s’avance. C’est Jehad. Il y a une dizaine de jours, il a été évacué de Gaza, où il est né il y a 55 ans, avec sa femme et leurs triplés âgés de 6 ans, dès avant la trêve conclue entre Israël et Gaza et entrée en vigueur vendredi 24 novembre.
Il nous accompagne jusqu’à son hébergement temporaire, au premier étage d’un des bâtiments de la résidence. Seul un escalier lui permet d’accéder à son appartement, un obstacle pour lui qui a été amputé des deux jambes il y a une quinzaine d’années et marche grâce à des prothèses. Jehad attend d’être relogé par France Horizon, l’association qui l’accompagne depuis son retour, dans un endroit plus adapté. (...)
Le souvenir des bombardements ne semble pas avoir lâché la famille, qui cauchemarde toutes les nuits.
Et puis il y a aussi l’inquiétude pour celles et ceux qui sont restés. (...)
Après des études dans l’humanitaire à l’université Paris 1, Jehad a poursuivi sa carrière au Burundi, au Darfour, au Tchad, au Yémen et en Jordanie. Puis fin 2010, après son amputation à la suite d’une maladie, c’est grâce à son embauche à l’ONG Première Urgence internationale qu’il a pu retourner à Gaza. (...)
Mais pour lui, rien n’est comparable à ce qu’il se passe actuellement dans la bande de Gaza. Une « punition collective », dit-il, avec « des destructions complètes de quartiers », sans parler des coupures d’eau et d’électricité, décidées par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. « Avant, il y avait encore des approvisionnements via les points commerciaux avec Israël, via l’Égypte, les gens avaient de quoi manger et de quoi boire, plus ou moins d’électricité… Cette fois-ci, c’est la famine comme arme de guerre. » (...)
Mais pour lui, rien n’est comparable à ce qu’il se passe actuellement dans la bande de Gaza. Une « punition collective », dit-il, avec « des destructions complètes de quartiers », sans parler des coupures d’eau et d’électricité, décidées par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. « Avant, il y avait encore des approvisionnements via les points commerciaux avec Israël, via l’Égypte, les gens avaient de quoi manger et de quoi boire, plus ou moins d’électricité… Cette fois-ci, c’est la famine comme arme de guerre. » (...)
Jehad place ses espoirs dans la trêve mise en place après l’accord entre Israël et le Hamas (...)
Il déplore par ailleurs le double standard, selon lui, des pays occidentaux, qui nourrit l’amertume. « Personnellement, j’aurais aimé que la France œuvre beaucoup plus pour sa position connue, c’est-à-dire son soutien à la solution à deux États. Mais malheureusement, on ne l’a pas vue assez. »
Frappes sans sommations (...)
« D’habitude, ils appellent pour dire qu’ils vont bombarder et qu’il faut évacuer. Mais là, ils n’ont pas prévenu. » Prise de panique, elle prend seulement son sac à main avec les documents importants. « Dans la peur, la terreur, on n’a pas le temps de réfléchir. »
Jehad montre les dernières informations qu’il a reçues de sa famille à Gaza. La maison de son frère aîné a été détruite. (...)
« D’habitude, ils appellent pour dire qu’ils vont bombarder et qu’il faut évacuer. Mais là, ils n’ont pas prévenu. » Prise de panique, elle prend seulement son sac à main avec les documents importants. « Dans la peur, la terreur, on n’a pas le temps de réfléchir. »
Jehad montre les dernières informations qu’il a reçues de sa famille à Gaza. La maison de son frère aîné a été détruite. (...)
« D’habitude, ils appellent pour dire qu’ils vont bombarder et qu’il faut évacuer. Mais là, ils n’ont pas prévenu. » Prise de panique, elle prend seulement son sac à main avec les documents importants. « Dans la peur, la terreur, on n’a pas le temps de réfléchir. »
Jehad montre les dernières informations qu’il a reçues de sa famille à Gaza. La maison de son frère aîné a été détruite. (...)
Jehad, lui aussi, s’est dit que le pire était à venir. « Quand j’ai vu que le Hamas était rentré dans le sud d’Israël, je me suis dit que ça allait être une escalade de violence, pire que celles d’avant. Et finalement ça a été une guerre. » Dans le quartier de Toam, près de la frontière nord avec Israël, les bombardements ne tardent pas. Sonia se souvient avoir quitté son appartement avec son fils de 2 ans dans les bras, ses deux autres enfants de 7 et 10 ans suivant derrière.
Dans la rue, ils ont couru plus de trois kilomètres au milieu « de la fumée, des flammes et du bruit, très fort, des bombes », en direction du centre de Gaza. Ils se sont réfugiés chez un membre de la famille, près de l’hôpital Al-Shifa. « Le soir même de notre arrivée, il a reçu un appel lui demandant d’évacuer. Rebelote quelques heures plus tard, on se retrouve dans le même scénario à courir dans la rue sans savoir où aller. » Sonia, son mari et leur trois enfants trouvent refuge dans une école de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) au centre de Gaza. (...)
« Il n’y avait pas du tout de nourriture, on était sans change pour les enfants, moi je n’avais rien pris pour le petit en partant. Il faisait froid la nuit, il n’y avait pas de couvertures, on dormait à même le sol. C’est chaotique de voir des centaines d’enfants dormir à même le sol, sans manger. Il n’y avait pas d’eau non plus, il fallait faire la queue cinq ou six heures pour remplir un bidon de 15 litres à partager à 25 personnes. »
Ces bidons servaient à boire, à se laver, à faire la vaisselle et à cuisiner. « Mes enfants sont tombés malades à cause de l’eau non potable. Quand on est arrivés en France, mon fils de 2 ans avait une fièvre qui ne retombait pas, il était déshydraté, il avait toujours la diarrhée. Les médecins de la cellule de crise m’ont dit que ce n’était pas grave, qu’il allait guérir tout seul. Ça m’a révoltée. » (...)
Dans la ville de Gaza, comme à Khan Younès, Sonia et Jehad racontent la queue interminable pour se procurer du pain à la boulangerie. Et la dangerosité de cette tâche quotidienne. (...)
Sur la route censée être sécurisée, elle confie avoir vu « beaucoup de voitures brûlées, des cadavres, des choses qui vous traumatisent à vie ». Elle a tenté de protéger ses enfants en leur intimant de ne pas regarder par la fenêtre. Elle-même essayait de ne pas céder à la panique, ni à l’angoisse de mourir dans cette voiture.
Jehad est parti pour le poste-frontière de Rafah trois semaines après son arrivée au centre de l’ONU. Sur la route, ils avaient « la peur au ventre de mourir dans un bombardement ». (...)
Beaucoup sont restés dans la ville de Gaza et dans le nord de l’enclave, faute de moyens. La guerre et le blocus ont fait exploser les prix à l’intérieur de la bande de Gaza : « Par exemple, pour aller de Gaza à Khan Younès, certains ont payé 1 000 shekels, soit 200 euros, alors qu’en temps normal, c’est 30 à 40 shekels en taxi. » (...)