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Suspension des demandes d’asile de Syriens en Europe : inquiétudes autour d’une décision hâtive
#syrie #UE #exiles #migrants #immigration
Article mis en ligne le 14 décembre 2024

Quelques heures seulement après l’annonce de la chute de Bachar al-Assad en Syrie, plusieurs pays européens, dont la France, ont indiqué suspendre les demandes d’asile de Syriens. Des ONG et politiques ont réagi à cette annonce, la jugeant hâtive et dangereuse pour les Syriens dont l’avenir est encore très incertain.

Après l’annonce de la chute de Bachar, plusieurs pays européens, dont la France, se sont empressés de suspendre les demandes d’asile dans le pays. Le ministère de l’Intérieur français a indiqué lundi "travailler sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie". Une annonce prise à la hâte et impossible à mettre en place car, concernant l’asile, seule l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), organisme indépendant, est décisionnaire.

De son côté, l’Ofpra a annoncé "suspendre provisoirement la prise de décision sur certaines demandes d’asile émanant de ressortissants syriens" dans le but de prendre du recul sur la situation. "L’instance attend de savoir s’il y a des craintes légitimes en cas de retour dans le pays. Tant qu’elle ne peut pas répondre à cette question, elle suspend ses décisions", a expliqué à InfoMigrants Laurent Delbos, juriste à Forum réfugiés. De même en Allemagne, seule la décision finale sur l’asile est reportée mais les dossiers continuent à être examinés. (...)

D’autres États en revanche sont allés plus loin encore que la France et l’Allemagne. L’Autriche a ainsi indiqué que le regroupement familial était suspendu pour les Syriens réfugiés dans le pays. Vienne a également affirmé, de même que le Danemark et la Suède, vouloir réexaminer les dossiers des réfugiés syriens vivant dans le pays en vue d’une éventuelle expulsion.

"La sécurité des demandeurs d’asile doit être placée au cœur de la prise de décision"

Ces décisions ont été rapidement critiquées par des ONG, associations de défense des droits humains et instances internationales. L’ONU a appelé mardi à "la patience et la vigilance" sur la question du retour des réfugiés dans leur pays alors que la situation y est encore très incertaine. (...)

De même, Amnesty international a dénoncé les décisions européennes de suspendre les demandes d’asile des Syriens. "Les pays devraient éviter de plonger les réfugié·e·s syriens et les personnes en quête d’asile dans des situations d’incertitude et de précarité accrues. Bien au contraire, la sécurité des personnes demandeuses d’asile doit être placée au cœur de la prise de décision et non sacrifiée au profit de la politique anti-réfugiés qui s’empare actuellement de l’Europe", a déclaré Eve Geddie, la directrice du Bureau d’Amnesty international auprès des institutions européennes. (...)

Le sénateur écologiste français Yannick Jadot a lui jugé jeudi "indécente" la réaction de nombreux gouvernements européens à la chute de Bachar al-Assad, qui se sont aussitôt focalisés sur le retour des réfugiés plutôt que sur l’aide à la reconstruction. (...)

Inquiétudes des minorités

C’est notamment autour de ces questions des droits des femmes et des minorités que demeure la plus grande incertitude : tous les Syriens et toutes les communautés syriennes seront-elles en sécurité dans un pays géré par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ? Certains Syriens n’auront-ils pas des motifs de demander une protection internationale dans un autre pays ?

Des Syriens, craignant pour leur sécurité, ont déjà décidé de quitter le pays. À la frontière libanaise, des personnes de confession chiite qui fuient la Syrie croisent ainsi le flux de réfugiés qui souhaitent revenir. Les Syriens chiites craignent d’être persécutés en raison de leur foi alors que le HTS prône un islam sunnite radical. "Ils ont déjà commencé à vouloir nous contrôler. Ils disent ‘vous devez prier comme nous, vous devez pratiquer votre religion comme nous le voulons’. Ils vous nous attaquer, comme ils l’ont déjà fait avant", a témoigné sur France 2 une Syrienne professeure des écoles. (...)

Il en est de même pour les chrétiens qui représentent aujourd’hui entre 2 et 5 % de la population syrienne selon les sources. (...)

Le Premier ministre chargé de la transition en Syrie, Mohammad al-Bachir, a assuré mercredi que la coalition rebelle, menée par des islamistes radicaux, qui a chassé Bachar al-Assad du pouvoir garantirait les droits de toutes les communautés, appelant les millions d’exilés à rentrer au pays.

HTS affirme avoir rompu avec le djihadisme mais il reste classé mouvement "terroriste" par plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis. Mohammad al-Bachir a en outre appelé les Syriens exilés à rentrer chez eux pour "reconstruire" le pays, à majorité arabe sunnite, où cohabitent plusieurs communautés ethniques et confessionnelles.

Quelque six millions de Syriens, soit un quart de la population, ont fui le pays depuis 2011, quand la répression de manifestations prodémocratie a déclenché une guerre dévastatrice qui a fait plus d’un demi-million de morts.