
La représentation des Etats-Unis a envoyé un courrier à des nombreux groupes tricolores exigeant qu’ils respectent la politique « anti-DEI » de l’administration républicaine pour tout contrat avec l’Etat fédéral.
La lettre est signée par un certain Stanislas Parmentier, le directeur général des services de l’ambassade des Etats-Unis à Paris, selon l’annuaire du département d’Etat américain. En temps normal, cette affaire serait restée sous les radars, mais on est en plein trumpisme et la missive révélée par Les Echos, vendredi 28 mars, dont Le Monde a obtenu copie, enjoint aux entreprises françaises destinataires de respecter les règles édictées par le président américain, Donald Trump, qui bannissent toute discrimination positive en faveur de la diversité et de la parité homme-femme (DEI, pour « diversité, équité, inclusion »). (...)
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Paris a vivement réagi, samedi 29 mars, après l’envoi d’une lettre de l’ambassade des États-Unis à plusieurs entreprises françaises, demandant si elles avaient des programmes internes de lutte contre les discriminations, qualifiant cette initiative d’"ingérences inacceptables" et prévenant que la France et l’Europe défendront "leurs valeurs".
Plusieurs sociétés françaises ont reçu une lettre et un questionnaire leur demandant si elles mettaient en place des programmes internes de lutte contre les discriminations.
La missive les prévient que, le cas échéant, cela pourrait les empêcher de travailler avec l’État américain, ce alors que la France interdit la plupart des formes de discrimination positive.
L’information – révélée vendredi 28 mars par Le Figaro et les Echos – s’inscrit dans un contexte de fortes tensions commerciales alimentées par Donald Trump, qui agite tous azimuts des menaces de droits de douane.
"Les ingérences américaines dans les politiques d’inclusion des entreprises françaises, comme les menaces de droits de douanes injustifiés, sont inacceptables", a rétorqué le ministère français du Commerce extérieur, dans un message transmis à l’AFP.
Les destinataires du courrier ont été informés du fait que "le décret 14173", pris par Donald Trump dès le premier jour de son retour à la Maison Blanche pour mettre fin aux programmes promouvant l’égalité des chances au sein de l’État fédéral, "s’applique également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américain", comme le montre le document révélé par Le Figaro.
Une initiative "inadmissible"
Une initiative "inadmissible", a réagi samedi auprès de l’AFP le président de l’organisation patronale CPME, Amir Reza-Tofighi, qui dénonce une "atteinte à la souveraineté" et appelle les responsables politiques et économiques à "faire front commun".
De son côté, la CGT demande au gouvernement "d’appeler les entreprises à ne pas engager de politique dommageable pour l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre le racisme", a déclaré à l’AFP Gérard Ré, secrétaire confédéral du syndicat. (...)
Les grands groupes contactés par l’AFP qui ont accepté de s’exprimer ont déclaré de ne pas avoir reçu la lettre, dont le format est inhabituel.
"Ce n’est pas un courrier qui est parti sur le papier à en-tête de l’ambassade, ni du consulat ou d’une quelconque agence américaine", note auprès de l’AFP Christopher Mesnooh, avocat d’affaires américain du cabinet Fieldfisher basé à Paris, se basant sur la lettre publiée dans le Figaro.
"Si c’est bien sous cette forme-là que les entreprises l’ont reçue, ce n’est pas une communication officielle et encore moins une communication diplomatique", selon l’avocat. "Ce n’est pas parce que ça traduit l’attitude de cette administration que c’est l’administration au sens propre du terme qui a autorisé son envoi à des entreprises", indique prudemment Christopher Mesnooh.
Sollicitée par l’AFP, l’ambassade des États-Unis à Paris n’a pas répondu dans l’immédiat. (...)
En outre, pour les entreprises françaises, le problème ne se pose pas dans les termes posés par la lettre car en France, la discrimination positive fondée explicitement sur l’origine, la religion ou l’ethnie "n’est pas autorisée", rappelle l’avocat d’affaires.
Pour autant, sur le volet de l’égalité hommes/femmes, depuis 2021, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, la loi française impose des quotas de 30 % de femmes cadres-dirigeantes et de 30 % de femmes membres des instances dirigeantes en 2027, puis d’atteindre des quotas de 40 % en 2030.
Les entreprises qui choisiraient de se conformer aux exigences stipulées dans la lettre se mettraient donc dans l’illégalité du point de vue du droit français.