
Depuis 2013, les femmes de l’aire d’accueil d’Hellemmes-Ronchin se battent contre l’usine de béton et la concasserie de gravats qui les empoisonnent. Elles appellent la métropole à leur venir en aide, sans qu’il n’y ait de solution jusqu’alors.
Depuis trois ans, André – ou « Pépère » pour les intimes – ne voit plus le soleil. Prostré dans le fond de sa caravane, le voyageur de 63 ans est attaché à son appareil de ventilation qui a remplacé ses poumons usés. Dans les années 90, il a fait halte avec d’autres familles sur le terrain d’Hellemmes-Ronchin (59), à une centaine de mètres des voies ferrées et du bourdonnement constant du périphérique. À cette époque, l’aire d’accueil n’existait pas encore, mais l’usine à béton surplombait déjà les caravanes. En 2013, une concasserie de gravats est venue s’ajouter à ce funeste paysage. Dès lors, les maladies respiratoires se sont propagées dans le lieu de vie comme une traînée de poudre. « C’est à cause des bétonneuses que je suis détruit », s’égosille le vieil homme. Depuis peu, sa femme Thérèse est aussi sous assistance respiratoire. Ses petits-enfants de cinq et 12 ans sont eux asthmatiques. Voilà plusieurs années qu’ils espèrent déménager en famille sur une nouvelle aire. (...)
En 2021, StreetPress alertait déjà sur la situation sanitaire préoccupante des 280 habitants entassés sur l’aire d’accueil d’Hellemmes-Ronchin. Le collectif de femmes Da So Vas, fondé par trois sœurs et habitantes de l’aire en 2013 – Sue Ellen, Carmen et Bernadette –, y dénonçait le « racisme environnemental » subit par la communauté des gens du voyage. Un constat étayé par une étude de l’Agence européenne en France réalisée en 2019, concluant à « 31% la part des gens du voyage faisant état de problèmes environnementaux liés à la pollution, suie, fumée, poussière, nuisances olfactives ou eaux polluées dans leur localité de résidence ». Force est de constater que les réponses politiques se font attendre. (...)
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Paralysie administrative
Trois rapports publiés en 2015, 2021 et 2023 – commandés par des services publics – confirment que les retombées de poussières sur le terrain de l’aire d’accueil des gens du voyage pourraient présenter un risque sanitaire. Mais « aucune étude approfondie n’a été diligentée pour évaluer les conséquences réelles des rejets atmosphériques des usines », estime Sue Ellen.
De son côté, l’agence régionale de santé (ARS) aurait fait intervenir en 2018 une infirmière sur l’aire d’accueil afin de consulter les documents médicaux des habitants. Elle n’aurait pas estimé nécessaire de poursuivre les investigations. (...)
Un autre enjeu, selon le collectif des femmes de l’aire, est le manque de terrains disponibles dans la métropole lilloise. (...)
Un terrain proposé à Ronchin aux abords d’un quartier résidentiel a récemment provoqué une levée de boucliers d’habitants, qui disent craindre « une cohabitation peu propice à la sérénité ». (...)
Statu quo
Au fil de ces onze années de lutte, la situation n’aurait fait que s’aggraver, raconte Sue Ellen. L’aire d’accueil est aujourd’hui surpeuplée : quelque 280 habitants s’entassent sur les 25 emplacements initiaux. « Cela fait presque 18 ans que l’aire existe. À force, les enfants ont grandi, se sont mariés et ont eu des enfants. » Ils se sont installés en caravane, à côté de celle de leurs parents (...)
les autres aires du département sont elles aussi surchargées, et la liste d’attente pour l’obtention d’un logement social ne cesse de s’allonger. (...)
. « Ce n’est pas parce qu’on est des gens du voyage qu’on n’a rien à dire, nous aussi on est Français » (...)