
Younoussa, jeune exilé guinéen, suit un CAP dans un lycée parisien. Le soir, il rejoint un gymnase pour la nuit, faute de prise en charge par les autorités qui l’ont déclaré majeur. Toujours en recours, il rêve de meilleures conditions pour travailler.
Sac sur le dos, pantalon beige, chemise et baskets blanches, Younoussa court pour attraper son métro. Des gouttes de pluie commencent à tomber. L’ado tout juste sorti de l’école tire le col de son blazer pour abriter sa tête. Il frissonne mais assure comme à son habitude que « ça va ». Au bout de la ligne, c’est un lit picot dans un gymnase qui l’attend pour dormir. Younoussa n’a pas de manteau, pas de parapluie et pas de chez lui :
« Dans ma classe, il y a aussi deux personnes dans la même situation. »
Selon la loi française, tout enfant isolé, sans parents ou représentant légal sur le territoire, doit être protégé et pris en charge. Mais Younoussa fait partie de ces jeunes exilés qui n’ont pas été reconnus mineurs. Son acte de naissance délivré par les autorités guinéennes – sur lequel il a 17 ans – ne serait pas conforme. Il a bien déposé un recours au tribunal des enfants en mai dernier pour contester cette décision, mais toujours pas de date d’audience malgré 11 longs mois d’attente. 3.800 jeunes exilés seraient en recours sur le sol métropolitain. Younoussa, soucieux, montre les derniers sms échangés avec son avocate. « Je vais attendre, je n’ai pas le choix de toute façon. » Selon une étude, 60 % des jeunes sont finalement reconnus mineurs à la suite de leur recours devant le juge.
Depuis son arrivée en France il y a deux ans, le garçon un brin réservé, à l’allure fine et élancée, a connu la rue, les squats, avant d’enchaîner les nuits en gymnases mis à disposition par la mairie de Paris. Même sans adresse fixe, le garçon a pu s’inscrire à l’école. Il termine dans quelques semaines sa première année de Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) Peintre-applicateur de revêtements. Un secteur qui recrute. Il espère pouvoir enchaîner avec un bac pro l’année prochaine (...)
Partir pour étudier
Dans son pays, il n’est pas allé au-delà de la primaire. « Là-bas c’est compliqué si tu veux étudier. Les écoles publiques ne font rien, et pour aller en école privée, il faut payer… » Le système éducatif public manque de moyens. Dans la ville de Conakry, d’où vient Younoussa, 88 % des écoles primaires sont privées. Malgré les bourses, l’école reste une dépense majeure pour les familles et les étudiants. (...)
Après la bibliothèque, le garçon rejoint le Parc de Belleville, dans le 20e arrondissement. « Moi aussi je dormais là », lance-t-il pensif au milieu de jeunes migrants posés sur un banc. Le regard accroché à la butte, il se souvient de ses soirées de la fin de l’été à l’hiver 2023, où il passait les barrières une fois le parc fermé pour installer sa tente pour la nuit avec 200 autres jeunes exilés. Les ados se sont ensuite rassemblés en collectif pour demander un accès à un logement digne et d’entrer à l’école. Après avoir été expulsés du parc, « Les jeunes du Parc de Belleville » – comme ils ont décidé de se nommer – ont occupé à partir d’avril 2024 la Maison des Métallos, lieu culturel de la ville de Paris.
Trois mois de lutte qui ont permis d’obtenir des places en gymnase, en juillet 2024. Younoussa se souvient des brigades de policiers devant le bâtiment, des départs en manifestations, des ateliers pancartes. Au milieu des assemblées générales, l’ado réservé rencontre des syndicats d’enseignants engagés qui lui expliquent comment s’inscrire à l’école. « Ça m’a remotivé ! » En septembre 2024, il fait sa première rentrée au lycée. (...)
« Moi je me demande juste, pourquoi en France c’est si compliqué pour être logé ? » Younoussa n’a pas lâché le combat. Chaque week-end, il se rend en manifestation avec les plus de 300 jeunes exilés qui occupaient un autre lieu culturel de la ville, la Gaîté Lyrique, avant d’être expulsés. « Nous aussi on est passés par là », déclarait-il lors de la marche du 11 janvier 2025 :
« C’est important de continuer à soutenir. Même si nous on a eu une place en gymnase, il faut être là pour tous les autres. » (...)
Le jeune homme était aussi présent à la manifestation contre le racisme du 22 mars dernier. « Je n’aime pas rester au gymnase. Ça fait du bien de sortir et de se vider la tête. » Younoussa continue d’assister à tous les ateliers de Français qu’on veut bien lui proposer. Parfois, il se balade dans la capitale : le Louvre, le 6e arrondissement, la tour Eiffel… Il participe aussi aux tournois de foot de l’association en soutien aux exilés, les Midis du MIE, à Ivry. « Et on a gagné ! », lance-t-il en faisant défiler les photos du dernier match sur son écran de téléphone. « Ici, ce sont les associations qui nous soutiennent. Ce sont elles qui font tout, l’État ne fait rien », enchaîne-t-il, plein de reconnaissance pour les bénévoles qui l’accompagnent. (...)
La préfecture lui a finalement proposé une chambre d’hôtel temporaire dans le Sud de Paris. (...)