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Mediapart
Ses salariés tentent de se syndiquer... et Amazon ferme tous ses entrepôts au Québec
#Québec #Amazone #Syndicats #délocalisations
Article mis en ligne le 28 février 2025
dernière modification le 26 février 2025

Connue pour ses pratiques antisyndicales, Amazon est sous le feu des projecteurs dans la province canadienne, après avoir décidé d’y fermer ses sept entrepôts de distribution. La Confédération des syndicats nationaux estime qu’il s’agit de représailles à la suite d’une tentative de syndicalisation.

MontréalMontréal (Québec, Canada).– La musique qui résonne le long de l’avenue du Mont-Royal, à Montréal, est tout un symbole. La chanson Résiste, de France Gall, accueille les manifestant·es qui se sont réuni·es, samedi 15 février, pour dénoncer les agissements d’Amazon.

Fin janvier, la multinationale américaine a annoncé la fermeture de ses sept entrepôts dans la province, mettant sur le carreau près de 2 000 personnes, et 4 700 selon la Confédération des syndicats nationaux (CSN), puisqu’elle comptabilise les chauffeurs-livreurs notamment, ce que réfute la multinationale. L’entreprise ne quitte pas définitivement le Québec : elle va sous-traiter ses activités.

Au-devant du cortège, Thierry Scarlatos tient fermement une grande bannière sur laquelle on peut lire « Ici, on boycotte Amazon ». Le jeune homme travaillait comme chauffeur-livreur dans un entrepôt Amazon situé à Lachine, un arrondissement de l’ouest de l’île de Montréal. Il raconte que pendant un peu plus d’un an, il a pu observer « un manque de sécurité », « des trousses de secours manquantes », « des coups de pression » sur son lieu de travail. (...)

Plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées pour exiger « du respect » de la part du géant américain. Car la décision prise par Amazon de fermer la totalité de ses installations au Québec serait, d’après les employé·es et la CSN, une décision antisyndicale.
Pratiques antisyndicales connues (...)

« Ils n’ont jamais accepté la syndicalisation. Ils ont toujours dit qu’ils préféraient traiter avec les employés de manière individuelle, que ce n’est pas leur modèle d’affaires. Mais se syndiquer, au Québec, c’est un droit », explique la présidente.

Finalement, Amazon a pris la décision de fermer non pas un entrepôt, mais bien la totalité de ses entrepôts au Québec. Pour Caroline Senneville, le message envoyé est clair : « Vous avez le droit de vous syndiquer, sauf quand vous travaillez pour une multinationale. » (...)

« Ils ne diront jamais que c’est parce qu’on a tenté de créer un syndicat qu’ils ont tout fermé, car c’est illégal de faire ça. Ce serait avouer un méfait », maintient Caroline Senneville. Selon John Logan, expert du syndicalisme à l’université de Californie à Berkeley, « Amazon résiste à la syndicalisation pratiquement depuis sa création ». (...)

Un système syndical particulier à l’Amérique du Nord

Thomas Collombat, politiste spécialiste du syndicalisme à l’université du Québec en Outaouais, affirme que l’élément qui faisait peur à Amazon était l’impasse dans laquelle la négociation pour la première convention collective à l’entrepôt de Laval se trouvait. Le dossier s’apprêtait à partir en arbitrage. « Ça aurait été un arbitre qui aurait déterminé la convention en fonction des standards de l’industrie », dit-il. Or, souligne-t-il, « la précarité est au cœur de son modèle. Sans ça, Amazon ne peut pas générer les profits qu’elle génère ».

D’autant plus, rappelle Thomas Collombat, que « le Québec est la juridiction la plus syndicalisée en Amérique du Nord ». Hors de question pour l’entreprise de créer un effet domino. Le professeur explique aussi qu’au Canada, contrairement à la France, « les employeurs n’ont pas l’obligation d’ouvrir leurs livres [de comptes] en cas de plan social ou de fermeture, donc ça devient difficile pour les syndicats de prouver la nature antisyndicale de la décision ». Mais encore plus facile pour les entreprises de fermer leurs portes. (...)

la CSN compte demander au tribunal l’annulation des licenciements collectifs, la réouverture des sept entrepôts et la réintégration des employé·es, en plus des compensations et des indemnités qui s’imposent.