
Hassinah Rezaei, une journaliste et architecte afghane, a cherché refuge en Allemagne après le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan. Aujourd’hui, elle s’engage pour soutenir d’autres femmes migrantes.
C’est grâce au soutien de reporters sans frontières (RSF) que la journaliste et architecte Hassinah Rezaei a réussi à rejoindre l’Allemagne après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021.
Elle grandit à Mazar-e-Charif, ou elle débute sa carrière de journaliste alors qu’elle est encore à l’école. Hassinah travaille pour le journal Aweja et la station de radio et de télévision Arzo dans le nord de l’Afghanistan.
Rapidement, elle assume le rôles de reporter, de rédactrice en chef et de présentatrice.
Être une journaliste en Afghanistan
Pour Hassinah, les femmes ont toujours dû se battre pour améliorer la situation des femmes en Afghanistan. "Nous nous sommes battues dur pour nos droits, mais nous avons souvent été jugées négativement. Mais au moins, nous avions un peu de sécurité pour travailler" avant les talibans, explique-t-elle. (...)
Convaincre et obtenir la confiance de sa famille n’ont pas été aisé au début de sa carrière professionnelle. Selon Hassinah, les femmes en Afghanistan sont plus facilement acceptées si elles contribuent financièrement à la famille. (...)
L’oppression des femmes
A Mazar-e-Charif, Hassinah a enduré les conséquences de la guerre et les restrictions imposées aux femmes pour des raisons de sécurité et culturelles.
"Notre société a toujours eu des excuses pour opprimer les femmes - avant et après la république. Dans chaque nouvelle ère politique, les premières attaques ont été dirigées contre les femmes et les filles."
Travailler comme journaliste a permis à Hassinah de mieux anticiper les changements politiques. Elle se souvient avoir senti l’arrivée imminente d’un moment de rupture. "Beaucoup de gens étaient épuisés par la corruption généralisée, le népotisme, l’insécurité, le chômage et la pauvreté. Ils aspiraient au changement - à tel point que certains étaient même prêts à accepter la prise de contrôle des talibans. Ils croyaient que les talibans, en tant que musulmans, mettraient au moins fin à la corruption et à l’insécurité, en particulier pour les habitants des zones rurales et des classes inférieures de la société", estime-t-elle.
En revanche, personne ne s’attendait à ce que les talibans entrent à Kaboul sans résistance.
Laisser sa famille derrière soi
Après la chute du gouvernement, la situation des journalistes, en particulier des femmes, deviendra de plus en plus dangereuse. C’est ainsi que RSF promet à Hassinah et sa famille de les aider à quitter le pays. (...)
Quitter l’Afghanistan a été le jour le plus dur de sa vie. "Toutes mes années de travail, comme celle de beaucoup d’autres Afghans, ont été perdues. J’ai tout laissé derrière moi, et du jour au lendemain, tout s’est terminé. Je ne pouvais pas dire au revoir à mes proches. Un sentiment de désespoir et de confusion a pris le dessus, et j’ai été poussée vers un avenir inconnu avec juste une petite valise et une grande question : pourquoi ?" (...)
"Les premiers jours en Allemagne ont été un cauchemar. J’étais dans une obscurité qui m’étouffait, et il n’y avait personne pour me tendre la main", dit-elle.
Dans un acte symbolisant son nouveau départ, elle coupe ses longs cheveux qui faisaient autrefois partie intégrante de son identité.
Elle part à Francfort, où elle est victime de harcèlement, y compris de la part de compatriotes.
Hassinah met le cap sur la Rhénanie-du-Nord-Westphalie où elle vit encore aujourd’hui dans un petit appartement. Dans la région allemande la plus peuplée, elle a le sentiment que les habitants sont plus tolérants et ouverts aux étrangers. (...)
Hassinah ne se voit pour l’instant pas poursuivre sa carrière de journalisme en Allemagne. Elle veut désormais faire des études pour travailler dans le social. Son ambition est de pouvoir aider d’autres jeunes femmes, notamment les femmes migrantes, alors qu’elle a vécu la difficulté de trouver du soutien lorsque l’on arrive dans un nouveau pays.
Hassinah a le soutien de sa famille, qui se trouve toujours en Afghanistan et vit dans des conditions très précaires. Les démarches pour faire venir ses proches n’ont pas encore abouti. En plus de suivre des programmes de langue et d’intégration, Hassinah travaille deux jours par semaine dans un restaurant pour subvenir à ses besoins et renvoyer de l’argent à sa famille. (...)
"Si je suis forcée de retourner en Afghanistan, je préférerais la mort."