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René Dumont, le pionnier de l’écologie qui visait l’Élysée
#ecologiepolitique #ReneDumont
Article mis en ligne le 26 mai 2024
dernière modification le 20 mai 2024

René Dumont avait été le premier écologiste à se présenter à une élection présidentielle, en 1974. Cinquante ans plus tard, l’auteur de l’ouvrage — et de cette tribune — raconte cette aventure fondatrice.

Il y a cinquante ans, un homme aux semelles de vent, longue crinière blanche et djellaba rouge, débarque à l’aéroport d’Orly. Cet agronome renommé revient d’un voyage d’étude en Algérie et pense alors reprendre le fil de sa vie. C’est à peine si René Dumont (1904-2001) pose le pied à terre que trois hommes, trois écologistes, fondent sur lui, avec en tête une idée folle : qu’il soit leur candidat à l’élection présidentielle. Ils se proposent de le ramener chez lui à bord de leur petite 2CV. Nous sommes en avril 1974, Georges Pompidou vient de mourir. Dans un mois, un tout petit mois, la France élira un nouveau président.

À sa place, toute personne sensée aurait remercié pour le trajet, mais décliné le projet. Pas lui. Le septuagénaire demande tout de même la nuit pour réfléchir. L’écologie politique n’a alors ni parti, ni argent, ni doctrine constituée, ni aucun professionnel sous la main. Réponse de René Dumont : ce sera oui. L’écologie politique tient son acte de baptême.

« L’écologie ou la mort »

« L’utopie est entrée dans l’histoire de France », clame-t-il alors en meeting. (...)

Lorsqu’une caméra s’allume, René Dumont détaille : « Si nous continuons notre développement acharné, notre pillage du tiers-monde, notre croissance sauvage, et bien c’est l’effondrement total de notre civilisation avant la fin de ce siècle. Ce sont nos enfants qui sont menacés. Y pensons-nous ou pas ? » (...)

René Dumont annonce l’apocalypse en souriant ? On s’accroche au sourire plutôt qu’au message. Pour avoir transformé une vieille péniche amarrée près du pont de l’Alma, à Paris, en QG de campagne, ce fervent tiers-mondiste hérite vite du surnom de « Zouave du pont de l’Alma ». (...)

Des scientifiques comme Théodore Monod ou Alfred Sauvy sont derrière lui. Tout comme le mystique et pacifiste Lanza Del Vasto, le photographe Henri Cartier-Bresson, le réalisateur Louis Malle, la féministe et écrivaine Christiane Rochefort, le général en rupture Jacques Pâris de Bollardière qui, le premier, a dit non à la torture en Algérie, ou encore le prix Nobel de médecine américain George Wald…

Quand il ne s’accorde pas une sieste dans la cale de sa péniche ou en plein meeting, René Dumont lance mille fusées de détresse pour mettre en lumière les grandes luttes d’un mouvement écologique embryonnaire. (...)

En déplacement, dès qu’il le peut, il enfourche son vélo, suivi par une foule juvénile et joyeuse, et déclare : « La voiture, ça pue, ça pollue et ça rend con. »

« Il s’agit de dire et de crier que nous sommes condamnés à mort » (...)

Avec un peu plus de 300 000 suffrages, René Dumont a peu récolté, mais il a beaucoup semé. (...)

Le Prophète qui avait raison - La présidentielle de René Dumont, d’Arthur Nazaret, aux éditions Le Seuil, mai 2024, 240 p., 13,50 euros.