
Aujourd’hui, pour questionner les littératures dans leur rapport au monde, donc à chaque être vivant, il serait indécent de ne pas considérer toutes les oppressions : Palestiniens, Tibétains, Ouïghours, Rohingyas, Tutsis, Kurdes, Ukrainiens, Haïtiens, Syriens, peuples-nations effacés dans l’Outremer français... Je les vois et les nomme un à un au cœur en apparence bien impuissant de nos littératures !...
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– (Fabula)
Patrick Chamoiseau, Que peut Littérature quand elle ne peut ?
anie, de ceux d’ici, de ceux d’ailleurs, qui peuplent des refuges, qui endurent des exils. Rien de leurs désarrois, de leurs cris, de leurs enfants broyés, aucune de ces outrances dont ils furent victimes ou qu’ils supportent encore, ne sera oublié. Du monde que nous avons à faire, je les vois en blason.
Auprès d’eux – restitués à leur terre, institués en un État laïque – je garde l’idée d’une nation d’Israël qui, avec ses morts et ses souffrances, et au nom de sa mémoire elle-même, et donc plus que toute autre nation, s’inscrirait, en saine laïcité, dans la légitimité juridique mondiale et le couperet de ses sanctions ; et qui se montrerait soucieuse des autres peuples, soucieuse du respect de la vie et de sa dignité ; et qui fonderait sa nécessaire sécurité sur les vivre-ensemble inédits, complexes, généreux, à mettre en œuvre dans ce monde autre, cet autre monde, qu’il nous faut désirer.
Mais il serait inadmissible, sous cette arche offerte aux littératures, de ne pas se maintenir en présence des Tibétains et des Ouïghours en Chine, des Rohingyas en Birmanie, des Tutsis au Burundi et au Rwanda, des Kurdes en Syrie, en Irak, en Turquie, des Peuples originels dans les Amériques et dans leurs archipels… tous ceux-là, en souffrance, en danger, et tant d’autres ! (...)
« La Méditerranée est un immense sépulcre. On y meurt, on y laisse mourir, on y regarde mourir, on tolère un océan de déchéances imposé à des hommes, des femmes, des enfants, et dans lequel, où que l’on soit, où que l’on aille, on se retrouve à patauger sans aucune innocence. Rien de notre actuel niveau de conscience, de nos connexions démultipliées ou de nos transcendances concernant les questions de l’Humain ne parvient à échapper à cela, ni à s’y opposer. Ces migrants nous fixent. Ils nous ordonnent un autre monde que nul ne saurait refuser. […] »