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Quand naturalistes et chasseurs deviennent compagnons de lutte
#jura #naturalistes #chasseurs #photovoltaique #forets
Article mis en ligne le 26 décembre 2024
dernière modification le 24 décembre 2024

Dans le Jura, militants écologistes et chasseurs se sont alliés contre un projet de parc solaire. Un exemple réussi de composition des luttes.

Depuis deux ans, sur ce petit plateau du Jura, chasseurs et naturalistes ont fait alliance, aux côtés des autres habitants du territoire, autour d’un objectif commun : protéger la forêt qu’ils affectionnent contre un projet de parc de panneaux photovoltaïques. L’union des forces a payé : l’arrêté préfectoral du 10 décembre vient de refuser l’implantation de la centrale solaire. (...)

« La forêt où l’on est en ce moment est appelée à disparaître si le projet se fait. Les promoteurs considèrent que c’est une friche » (...)

le projet initial de centrale photovoltaïque prévoyait d’implanter un parc de 122 hectares à force de coupes rases. Face à la contestation, le porteur de projet, Cévennes Energy, filiale de la holding suisse JC Monfort, ne convoite aujourd’hui plus « que » 49 hectares. (...)

C’était sans compter sur la mobilisation des habitants des principales communes concernées, Loulle (171 habitants) et Mont-sur-Monnet (217). L’origine de cette cohésion, ce sont les ponts qu’ont su tendre naturalistes et chasseurs : Anaïs, militante depuis plusieurs années, a découvert ce projet ciblant la ville d’où est originaire sa famille, et a décidé de contacter Marc, alors secrétaire de la société de chasse locale, qui essayait d’alerter les habitants.

Puis est venu un premier dîner entre naturalistes et chasseurs, à base de terrine de bécasse maison et de truite fumée : « Il y a eu ce moment où on s’est flairés mutuellement : on voulait lui montrer qu’on n’était pas des écolos urbains intransigeants vis-à-vis de la chasse, et lui essayait de nous montrer qu’il y a plusieurs manières de chasser, que sa pratique était aussi un attachement au vivant, une sensibilité naturaliste », se remémore Anaïs. (...)

Marc, de son côté, se souvient des nuits passées sans sommeil à se demander ce qu’il pouvait faire pour s’opposer à ce projet qui menace la forêt qu’il chérit, puis de cette rencontre avec ceux qu’il appelle aujourd’hui affectueusement « les jeunes » : « Aucun des jeunes ne m’a vilipendé par rapport au fait que je chasse. Et moi je respecte ceux d’entre eux qui sont végétariens. On ne parle bien que de ce qu’on connaît, et les naturalistes ont eu envie de connaître un peu mieux le monde de la chasse. Surtout, ils se sont concentrés sur les informations qu’en tant que chasseur je pouvais apporter sur la faune, la flore, le réseau d’eau, les mares et les ruisseaux. ». De quoi inventorier les espèces menacées et ainsi complexifier l’étude d’impact qui doit être rendue par le porteur de projet. (...)

les forêts naturelles ont été jugées trop peu productives, elles ont été remplacées par des monocultures de résineux ; celles-ci dépérissent à présent, et les promoteurs utilisent leur dégradation pour justifier de les transformer en centrales photovoltaïques.
« Quand on se met ensemble, on est puissants »

En juin dernier, une mobilisation a réuni — sous une pluie battante — un peu plus de 200 personnes, notamment pour participer à des gestes naturalistes : creuser une mare pour y inviter le sonneur à ventre jaune, une espèce de crapauds menacée ; déblayer des cavités rocheuses où pourront nicher des populations de rhinolophes, des chauves-souris qui aiment y passer une partie de l’année. (...)

une troupe de militants naturalistes plus habitués aux cortèges de tête qu’aux cabanes de chasse défilant aux côtés d’une quinzaine de chasseurs, certains avec leur gilet orange, qui sont revenus « super contents » de la journée, précise Marc Bourdon. (...)

Les collectifs locaux ont su composer plus largement qu’entre chasseurs et naturalistes, mélangeant des agriculteurs conventionnels, des instituteurs, des associations plus habituées des luttes comme Jura Nature Environnement (JNE) (...)

Celles et ceux qui arrivaient avec une « habitude de lutte et des pratiques militantes » plus développées ont commencé par veiller à ne pas imposer des codes qui pourraient être excluants. Autour de la table de réunion, chacun se plie aujourd’hui à la règle des tours de parole — enfin, la plupart du temps.

L’union n’est pas encore une idylle (...)

À la suite de la mobilisation des collectifs locaux, l’enquête publique relative au projet a rendu un avis défavorable, et les habitants attendent à présent de savoir si le porteur de projet fera appel de l’arrêté préfectoral refusant le défrichage de la forêt. En cas de victoire durable, Marc sait déjà ce qu’ils feront : « On ira épauler les voisins qui se battent eux aussi contre des projets photovoltaïques. »