
Les 29 et 30 mai dernier, les élèves des établissements français de l’Amérique du Nord ont planché sur les épreuves du Brevet (DNB). Quelle ne fût la surprise des enseignants et enseignantes d’histoire-géographie, mais aussi des autres disciplines, de découvrir le sujet d’EMC. « C’est sans honte ni fards que le sujet d’Enseignement Moral et Civique (EMC) s’est livré à une entreprise de propagande pour le SNU », écrit Laurence De Cock, historienne et professeure d’histoire-géographie, qui réagit dans cette tribune.
(...) On était donc toutes et tous très impatients de prévisualiser la sauce à laquelle la cuvée 2024 allait être mangée. Et il faut avouer qu’une fois de plus, ils ne nous ont pas déçus.
Car le sujet nous a réservé une autre surprise : la transformation d’un examen en vitrine de la politique gouvernementale. On ne va pas mentir, ce n’est pas la première fois qu’ils flirtent avec l’auto-promotion, mais disons que cette année, on touche à la perfection.
(...)
– S’assurer que l’élève a bien saisi les informations des documents publicitaires
– Lui demander de mobiliser ces informations pour faire la promotion du SNU auprès de ses camarades.
C’est simple, concis, et franc du collier.
On nous rétorquera sans doute que le gouvernement n’est nullement responsable de la confection des sujets, trop occupé à batailler pour faire accepter l’inique réforme des groupes de niveau/besoins/niveau. Et qu’il faut donc plutôt pointer la responsabilité de collègues et de l’Inspection. C’est sans doute vrai, et même pire tant cela reflète la toxicité d’une chaîne de loyauté fabriquée sur la base d’une soumission aveugle à l’autorité et d’autocensure face à la possibilité – même minime- de la critique.
Il est donc permis de se demander comment enseigner l’esprit critique à des élèves si l’on est soi-même saisi d’effroi à la simple idée d’introduire une pincée de nuances et un soupçon de distance dans l’analyse de documents. Ce n’était pourtant pas impossible à faire comme le montre cette proposition de sujet alternatif élaboré par nos soins.
(...)
(...) Car on rappellera que le SNU ne fait l’unanimité auprès de personne sauf le gouvernement. Son coût estimé autour de deux milliards d’euros est un crachat sur l’école publique soumise à toujours plus d’austérité. De plus en plus d’articles montrent en outre que les incidents s’y multiplient : harcèlement, intoxications alimentaires, violences sexistes et sexuelles etc. Non formés, connaissant mal ou pas du tout le monde adolescent, les encadrants ne sont pas à la hauteur de la mission de formation de la jeunesse. On peut craindre en outre que, dans un tel contexte de priorité donnée à la répression plutôt qu’à l’éducation, le SNU ne soit qu’un lieu parmi d’autres de mise au pas de la jeunesse.
On rappellera enfin qu’un régime qui confond un sujet d’examen avec le porte-parolat de sa politique est un régime qui prépare méthodiquement la défaite de la démocratie.