
Le droit européen vient de prendre une décision en faveur des salariés, contrairement à ce que prétendait jusqu’ici le droit français. Et cela pourrait ne pas s’arrêter là.
Sous l’influence du droit européen, nous savons désormais que pendant un arrêt maladie, un salarié continue d’acquérir des droits à congés payés qu’il pourra déposer après son retour au travail.
Néanmoins, la situation d’un salarié faisant l’objet d’un arrêt maladie alors qu’il se trouve en période de congés payés semble incertaine. En effet, ce dernier peut-il reporter ultérieurement les congés acquis dont il n’a pas bénéficié du fait de son arrêt de travail ?
Les contradictions des droits français et européen
Par le biais de plusieurs arrêts de l’automne 2023 (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340 à 22-17.342, n°22-17.638 et n°22-10.529 et 22-11.106), la Cour de cassation s’appuyant sur le droit européen (l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et l’article 7 §1 de la directive n°2003/88/CE), a contraint le législateur à modifier sa position au sujet de l’articulation des périodes de congés payés et de maladie (loi nº2024-364 du 22 avril 2024). En effet, par le passé, le droit français indiquait qu’il n’était pas possible d’acquérir des jours de congés payés durant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel (ancien article L.3141-5 du Code du travail). Or, cette disposition nationale était contraire à celle du droit européen découlant d’une directive (article 7 §1 de la directive n°2003/88/CE) et de l’article n°31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantissait à tous les salariés un minimum de quatre semaines de congés payés annuels. Le juge européen nous précisait que cette période de congé ne pouvait pas être subordonnée « par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État » (CJCE, 20 janvier 2009, n°C-350/06 et CJUE, 24 janvier 2012, n°C-282/10).
En outre, en reconnaissant que les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne avaient désormais un effet impératif s’imposant aux états membres, le juge européen avait décidé qu’en cas de non-conformité avec les dispositions de l’Union, les juridictions nationales devaient laisser la réglementation nationale en cause inappliquée (CJUE, 6 novembre 2018, n°C-619/16). Suivant la combinaison de ces deux logiques, la Cour de cassation a par conséquent décidé d’écarter les dispositions non conformes du Code du travail empêchant toute acquisition de congés payés durant un arrêt de travail pour maladie ordinaire ainsi que celles limitant l’acquisition des congés en cas d’arrêt de travail pour accident (ancien article L.3141-5 du Code du travail).
Dès lors, sur le fondement du droit européen, la Cour de cassation est parvenue à contraindre le législateur jusqu’alors très réticent à toutes modifications en ce domaine, à garantir à tout travailleur en arrêt maladie l’acquisition d’une période annuelle de congés payés. (...)