
(...) Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, 4 300 Roms, Sinti, Gitans, Manouches, Yéniches et Voyageurs, internés dans le « Zigeunerlager [le camp des Tziganes] » d’Auschwitz‑Birkenau, furent exterminés.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, selon l’état actuel de la recherche historique, plus de 500 000 personnes succombèrent lors de ce génocide. En 2015, le parlement européen a en effet reconnu dans sa résolution 2015/2615 (RSP) le fait historique que constitue le génocide des Roms et des Sinti durant la Seconde Guerre mondiale ainsi que d’autres formes de persécution, telles que les déportations et les détentions. Cette résolution demande aux États membres de procéder à leur tour à cette reconnaissance, à la fois dans un but mémoriel et dans un but de lutte contre l’antitsiganisme. Beaucoup d’États européens, comme l’Allemagne, ont fait ainsi du 2 août une journée nationale d’hommage et de mémoire aux victimes de ce génocide. L’Organisation des Nations unis (ONU) reconnaît également cette date du 2 août. En 2024, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a d’ailleurs participé à cette commémoration à Birkenau.
La France a joué un rôle qui est, de nos jours, largement documenté, dans les événements liés à ce génocide. Ce rôle trouve ses origines dans les différentes restrictions imposées aux populations désignées comme « Nomades » depuis 1912.
À partir du décret du 6 avril 1940, des mesures telles que l’interdiction de circulation, l’assignation à résidence et l’internement ont été mises en place, touchant des milliers de personnes en raison de leur classification administrative en tant que « Nomades ».
Raymond Gurême (1925‑2020), Voyageur et grand résistant, qui fut interné avec sa famille à l’âge de 15 ans d’abord à Darnétal puis dans le camp de Linas‑Montlhéry, insista toute sa vie durant sur le fait que l’administration française n’a pas eu besoin des Allemands pour organiser la persécution des « Nomades ». Les camps ont été gérés par des Français, les arrestations ont été conduites par la police française, et les ordres d’assignation à résidence donnés par les autorités françaises ont même devancé les ordonnances d’internement nazies.
Le 29 octobre 2016, le président de la République, François Hollande, ouvrit la voie d’une reconnaissance du génocide par la France lors d’un discours prononcé à Montreuil‑Bellay dans lequel il déclara que « la République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame. »
Bientôt 85 ans après les crimes, il est temps que notre pays reconnaisse sa part de responsabilité dans ce génocide et plus largement dans les diverses formes de persécutions subies par les milliers de familles françaises prises pour cibles de ces politiques criminelles car elles étaient Roms, Sinti, Gitanes, Manouches, Yéniches et Voyageuses. Leurs descendants représentent plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens, qui subissent encore les conséquences de ce désastre jamais reconnu comme tel.
L’adoption de cette résolution serait forte : ce serait la première fois dans l’histoire de l’Assemblée nationale qu’un texte législatif serait adopté, non pas pour stigmatiser nos concitoyens Roms, Sinti, Gitans, Manouches, Yéniches et Voyageurs, mais pour reconnaître les pires persécutions dont ils ont été victimes, celle des années 1940 et 1946, simplement parce que « Nomades ».