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Mediapart
Prix planchers agricoles : l’opération esbroufe d’Emmanuel Macron
#agriculture #Macron #Bardella
Article mis en ligne le 2 mars 2024
dernière modification le 29 février 2024

Des ministres qui contredisent le chef de l’État, d’autres qui s’efforcent de réécrire la copie, certains plus prudents qui jugent urgent d’éluder le sujet… la sortie totalement improvisée d’Emmanuel Macron sur la nécessité d’instaurer des prix planchers pour les productions agricoles, lors de sa visite chahutée du salon de l’agriculture, a créé la confusion et le trouble jusqu’au sommet du gouvernement.

Pris de court, le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, n’a pas hésité à prendre le contre-pied du chef de l’État, dès le lendemain, en rappelant son refus des prix planchers auxquels il s’oppose depuis des mois. Reprenant sans trop s’embarrasser l’argumentaire de la FNSEA qui dénonce un projet « communiste ».

De son côté, le ministre des finances, Bruno Le Maire, tente de sauver la face, en essayant d’élaborer à la va-vite un compromis : il propose de travailler « sur des indicateurs de prix, filière par filière » afin de comprendre la construction des prix et de s’assurer que les producteurs touchent une rémunération conforme à leur travail. Une énième version de la loi Egalim, en quelque sorte, dont l’échec est patent. Mais même très adoucie, cette proposition a été accueillie aussi fraîchement que l’idée des prix minimum d’achat par certaines filières, notamment les céréaliers. (...)

« Nous avons vu que le président Macron a eu une révélation la semaine dernière, tant mieux » a ironisé la député La France insoumise (LFI) Aurélie Trouvé. Les prix planchers pour les productions agricoles, les députés de gauche en parlent depuis longtemps. En novembre, LFI avait même présenté une proposition de loi en ce sens à l’Assemblée nationale. Le gouvernement et la majorité avaient repoussé vivement le texte, en arguant que la gauche voulait construire « Cuba sans le soleil », selon une antienne chère au macronisme.

Mais il n’y a pas que le gouvernement qui chavire sur cette question. Ayant décidé de transformer le salon de l’agriculture en une tribune de campagne pour les élections européennes, Jordan Bardella, tête de liste du RN, y a fait un tête-à-queue remarqué : il se dit désormais opposé au mécanisme des prix planchers qui, selon lui, ne peut amener « qu’une trappe à pauvreté ».

Dans les rangs du Rassemblement national, cette volte-face laisse sans voix : depuis dix ans, le RN défend le principe des prix planchers – ce qu’a d’ailleurs rappelé Marine Le Pen.

Pourquoi Jordan Bardella, manifestement de sa propre initiative, a-t-il décidé un tel revirement programmatique ? Aucune explication n’est donnée par le RN.

Tandis que le monde politique s’empaille sur le principe des prix planchers, les connaisseurs du monde agricole, eux, s’interrogent. Car au-delà de l’objectif revendiqué par tous d’assurer un revenu décent aux agriculteurs, mille questions surgissent sur les moyens pour y parvenir. (...)

La révolte qui anime l’ensemble du monde agricole européen ne semble pas prête à s’éteindre. Et les demi-mesures avancées ici et là risquent d’être sans effet. « La sortie de crise ne peut se faire que si l’Europe redéfinit complètement sa politique agricole et commerciale » analyse Thierry Pouch. Pour l’instant, on en est très loin.