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Mediapart
Près de Lyon, une marche blanche après le 135e féminicide de l’année 2025
#feminicides #France
Article mis en ligne le 5 novembre 2025
dernière modification le 4 novembre 2025

Claudine, 35 ans, a été victime d’un féminicide par son mari le 26 octobre 2025 à Saint-Priest, près de Lyon. Lors d’une marche en son hommage dimanche, ses proches oscillaient entre tristesse et colère face à un meurtre qui aurait peut-être pu être évité : elle avait déposé deux plaintes, laissées sans suite.

Dimanche 2 novembre, le soleil chasse la pluie pendant une heure, en début d’après-midi. Dans la rue Judith-Gauthier, une famille endeuillée se lance dans une marche blanche. Une procession de deux cents personnes suit en silence. C’est dans un des immeubles du quartier Bel-Air de Saint-Priest que Claudine, 35 ans, a été tuée par son mari le 26 octobre 2025. Elle y avait emménagé il y a quelques mois.

« Claudine était une personne toujours joyeuse, toujours souriante, décrit Rémi, son neveu. On veut se souvenir de sa vie aujourd’hui, pas de sa mort. »

Le meurtre de cette aide à domicile d’origine rwandaise laisse ses trois enfants, âgés de 6 à 12 ans, orphelins. Ces derniers ont été aussitôt pris en charge dans le cadre du protocole féminicide, mis en place dans le Rhône depuis 2021 pour accompagner les mineurs témoins du meurtre de leur mère. Ils sont aujourd’hui placés chez un membre de la famille. Une cagnotte a été ouverte pour les soutenir.

Pour organiser la marche, la famille a demandé de l’aide aux militantes de l’association féministe #NousToutes Rhône. Sur leurs pancartes, elles dénoncent un meurtre qui, selon elles, aurait pu être évité : Claudine avait porté plainte deux fois pour violences conjugales. La première plainte, déposée en 2014, a été classée sans suite. Elle n’a jamais eu de nouvelles de la seconde, déposée en 2019. (...)

Comme elle, la moitié des victimes de féminicides subissaient déjà des violences au sein du couple, et 37 % d’entre elles avaient déjà alerté la police, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes. « Cette marche, c’est en premier lieu pour la mémoire de notre tante, mais on veut aussi que ça ait un écho, affirme Rémi. Il faut une prise de conscience. Ce n’est pas normal qu’après toutes ces femmes mortes, il n’y ait pas de changement. »

Un féminicide est commis tous les deux jours en France. Selon le décompte de l’Inter Orga Féminicides (IOF), un groupement d’associations, Claudine est la 135e victime de 2025 – c’est dix de plus qu’en 2024 à la même époque. Le féminicide, qui désigne le meurtre ou suicide forcé d’une femme en raison de son genre, n’est pas un crime reconnu dans le droit français, comme c’est déjà le cas pour d’autres pays européens. Mais tuer son ou sa conjointe reste une circonstance aggravante. « C’est un problème de société systémique », assène une militante #NousToutes. (...)

« Ma mère est détruite par la mort de Claudine, confie Rémi. Elles ont fui le génocide du Rwanda ensemble, étant petites, elles étaient très proches. »

Dans la foule, les émotions se bousculent. De la tristesse, beaucoup, mais aussi de la colère. « Ça ne sert à rien de porter plainte, les policiers ne font rien ! Et voilà le résultat », constate, amère, une collègue de Claudine venue lui rendre hommage. « Espérons que ça ne se reproduise pas », déclare un habitant du quartier. (...)

Quelques jours avant la marche à Saint-Priest, jeudi 30 octobre, un premier hommage a déjà été rendu à Claudine. Le soir, devant la passerelle symbolique du palais de justice, #NousToutes Rhône a organisé un « femmage », féminisation du mot « hommage », à toutes les victimes de féminicides de 2025, en accrochant des rubans en leurs noms. Le collectif milite pour une meilleure reconnaissance juridique des violences et une meilleure prise au sérieux des victimes, dénonçant un système qui n’a pas su les protéger. (...)