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Observatoire des multinationales (ODM)
Pourquoi il faut faire la lumière sur le lobbying de Shein et le rôle de Christophe Castaner
#Shein #Castaner #lobbying
Article mis en ligne le 29 décembre 2025
dernière modification le 27 décembre 2025

Sans aucune expérience dans ce domaine, l’ex-ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a été officiellement nommé en décembre 2024 au tout nouveau comité du géant chinois de la fast-fashion Shein dédié à la RSE (ou « responsabilité sociale des entreprises »). Pour justifier cette nomination dans un groupe responsable d’au moins 16 millions de tonnes de CO2 annuel, Christophe Castaner a évoqué sa volonté de faire changer le système « de l’intérieur ». L’intéressé précise aussi qu’il n’est pas employé directement par Shein, mais qu’il assure cette prestation via la société de conseil qu’il a créé lorsqu’il a quitté la vie politique, Villanelle Conseil. Cette création avait été approuvée sous réserves, à l’époque, par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Christophe Castaner affirme également haut et fort qu’il n’a pas été recruté par Shein pour faire du lobbying. Sans beaucoup convaincre. L’entreprise chinoise est en effet ciblée par une proposition de loi sur l’impact environnemental de l’industrie textile, dite « loi fast-fashion » qui menace à la fois son image et la poursuite de la croissance phénoménale de ses ventes en France, qui est l’un de ses principaux marchés. En plus d’embaucher l’ancien locataire de la place Beauvau, proche allié d’Emmanuel Macron, l’entreprise s’est lancée dans une offensive de lobbying tous azimuts contre l’adoption de cette législation, ciblant aussi bien les parlementaires que le grand public. Une vaste campagne de communication conçue par Havas (groupe Bolloré) vante depuis le début du mois de mai Shein comme une entreprise vertueuse, au service des consommateurs modestes. Des éléments de langage que l’on retrouve presque mot pour mot dans la bouche de Christophe Castaner.

Shein sort les grands moyen (...)

Après l’annonce de sa nomination, Christophe Castaner n’a pas mâché ses mots au sujet de cette proposition de loi, qui refléterait selon lui une « super tendance à taxer ou interdire », et qu’il a été jusqu’à qualifier d’« assez dégueulasse » et de « TVA sur les produits des plus pauvres ». Des déclarations qui lui ont attiré les foudres des représentants de l’industrie textile française.

Dans le même temps, les parlementaires étaient assaillis de sollicitations de Shein, avec l’aide d’une autre filiale de Havas, l’agence PLEAD. Déjà, comme l’a raconté Anne-Cécile Violland, « au moment où la loi doit passer à l’Assemblée nationale, ils ont pris contact avec un grand nombre de députés [...] pour essayer de les convaincre de ne pas voter cette loi ». La même stratégie a été mis en œuvre au niveau du Sénat [1].

De fait, l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, en vue de son adoption définitive, a été plusieurs fois repoussée. La première lecture commencera finalement les 2 et 3 juin prochain, quinze mois après le vote de la loi à l’Assemblée. Et la commission Environnement du Palais Bourbon a supprimé entre-temps les dispositions les plus emblématiques de la loi, au risque de la vider de sa substance. (...)

« Portes tournantes »

Si Christophe Castaner se défend de faire du lobbying pour Shein voire prétend s’offusquer qu’on puisse en avoir le moindre soupçon, le moins que l’on puisse dire est qu’un immense flou règne quant à sa fonction exacte pour le compte de l’entreprise. Initialement, il a donc été nommé au comité RSE de Shein, et l’entreprise a indiqué l’avoir choisi pour bénéficier de ses « conseils en matière d’environnement ». La ficelle était-elle trop grosse, au vu de l’absence d’expérience de l’ancien ministre dans ce domaine ? Aujourd’hui, selon la communication officielle de Shein, Christophe Castaner aurait été finalement embauché pour faciliter les investissements de Shein en France, de par son expérience dans la « société civile » [2]. De même, la nomination à un « comité » mis en place par une multinationales est normalement une fonction individuelle, qui entraîne en général une rémunération sous forme de jetons de présence ou avantage en nature. Or il a très vite transparu qu’il était rémunéré pour des prestations de conseil via sa société Villanelle – une société qui se présente sur sa page Linkedin comme un cabinet « spécialisé en conseil en affaires publiques, affaires gouvernementales et relations institutionnelles », et qui déclare des activités de lobbying à la HATVP pour d’autres clients. (...)

Avant Christophe Castaner, un autre cas avait attiré l’attention, celui de Cédric O. L’ancien conseiller d’Emmanuel Macron et secrétaire d’État chargé du numérique (2020-2022) militait à l’époque pour la régulation de l’intelligence artificielle (IA), mais semble avoir brusquement changé d’avis en mai 2023 lorsqu’il est recruté (apparemment via la société de conseil qu’il avait créée) par Mistral AI, fleuron français dans ce domaine émergent (lire Les bonnes affaires de Cédric O, ex secrétaire d’État. Il déclare alors que les projets européens de régulation de l’IA européen « tuer notre entreprise ». Et comme par une étrange coïncidence, le gouvernement français, auparavant « pro-régulation », s’est mis lui aussi à craindre un « étouffement de notre dynamique d’innovation » et à freiner les discussions au parlement européen. En septembre 2023, Cédric O devient membre du Comité de l’IA générative auprès de la Première Ministre. Dès lors, alors même qu’il travaillait pour Mistral AI et était lobbyiste accrédité au Parlement européen pour le compte de cette entreprise, Cédric O a conseillé le gouvernement sur la manière de réguler le secteur et multiplié, comme Christophe Castaner aujourd’hui, les prises de position sur le sujet. (...)

L’encadrement du lobbying en question