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La Montagne
Pour la première fois en Creuse, ces agriculteurs ont fait le choix de dédrainer leurs prairies pour leur redonner vie
#drainage #dedrainage #prairie #Creuse
Article mis en ligne le 2 janvier 2025
dernière modification le 31 décembre 2024

Dédrainage. Le mot n’existe pas dans le dictionnaire, c’est dire comme il vient bousculer les habitudes. Notamment à Clugnat, au lieu-dit La Barre, où se creuse « un projet jamais vu » sans doute à l’échelle du Limousin. Julien Jemin, chargé de mission du Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine, confirme que « sur des parcelles agricoles », c’est une première en Creuse.

Si cela s’est déjà vu sur des zones comme des tourbières, délaissées par l’agriculture et rendues à un fonctionnement naturel, « on est vraiment ici sur une volonté de dédrainage d’une prairie agricole qui restera à vocation agricole », dévolue au pâturage et à la fauche.
Des prairies asséchées et appauvries

Largement déployé dans les années 1970-1990, le drainage a permis d’assécher des parcelles hydromorphes et zones humides par rapport à un besoin de production et à un type d’agriculture. « Et aujourd’hui, on se rend compte que ça a eu un impact sur les prairies », explique l’écologue, attaché au Contrat territorial Petite Creuse.

(...) À cet assèchement mécanique provoqué par le drainage s’est ajoutée l’action du changement climatique. Et peu à peu, dans ces prairies, il a observé une végétation devenue « un peu plus simple », avec « moins de diversité » (...)

Avec Tom Vierhout, ils se sont interrogés sur la manière dont ils pourraient renverser cette tendance et se sont naturellement rapprochés du Conservatoire et du Syndicat mixte du bassin de la Petite Creuse. « On leur a demandé si on pouvait dédrainer, s’ils avaient des solutions. Ils nous ont dit oui », sourit Cornelis Van Marle. L’envie tombe au bon moment, alors que ce type de projet est encouragé et accompagné, notamment par la Région qui a lancé, en janvier 2023, un appel à projet sur les zones humides.

L’appel à projet de la Région Nouvelle-Aquitaine vise à soutenir les projets de restauration de zones humides, notamment les travaux innovants. Elle participe financièrement à ce projet à hauteur de 80 % (7.225 €), le SMBPC finançant les 20 % restant (1.806 €) pour un total de 9.032 €. Ce programme comprend deux années de suivi piézométrique et botanique dans le cadre du Contrat territorial Petite Creuse. (...)

Ralentir l’eau et mieux la redistribuer (...)

Dédrainer certaines parcelles, restaurer des zones humides, préserver les haies, autant d’actions qui, ajoutées les unes aux autres, permettent de profiter à plein des services que nous rend la nature pour ralentir le parcours de l’eau, et « la conserver pour la redistribuer à des moments opportuns de l’année ». (...)

Des solutions écosystémiques que Cornelis Van Marle applique d’ores et déjà naturellement sur son exploitation en agriculture biologique. (...)

Maintenir la ressource en eau en aval

In fine, c’est la ressource en eau qui est en jeu dans ce projet inédit de dédrainage. En aval du ruisseau où se déversent les drains de ces parcelles, le Verraux, affluent de la Petite Creuse et sous-affluent de la Loire. Ce cours d’eau, jusqu’à présent, « réagit fortement aux assecs parce qu’il n’y a de réserves nulle part ».

« Au niveau hydrologique, on a un régime torrentiel avec de très grandes variations aujourd’hui, observe Julien Lemesle. Un maximum de zones humides va permettre de restituer de l’eau. Et une petite quantité d’eau, plus une petite, plus une petite, ça va maintenir une qualité d’eau et une vie aquatique dans le cours d’eau. » (...)

Un projet porté par des agriculteurs

Tout l’intérêt de ce projet, c’est qu’« il est impulsé par le monde agricole, par des agriculteurs et agricultrices qui réfléchissent différemment à leur utilisation du territoire, des milieux et à la fonctionnalité des zones humides », ajoute Julien Jemin. Le CEN accompagnera l’éleveur sur des modalités techniques pour exploiter ces parcelles, les gérer, les faire pâturer tout en tirant profit de ses caractéristiques retrouvées et de sa productivité fourragère. (...)

Ce tout premier projet de dédrainage pourrait ouvrir la voie à d’autres. Il fait en tout cas déjà parler de lui. « On a eu des réactions épidermiques, sourit Julien Lemesle. On nous a dit “On s’est cassé les pieds à drainer et maintenant vous vous amusez à enlever !” Mais on n’a plus le même climat », rappelle-t-il encore une fois. Et la gestion de l’eau doit évoluer avec lui. C’est un tournant dont le monde agricole peut tirer parti. (...)

« L’objectif, c’est que cette opération donne des idées ou fasse s’émanciper d’autres personnes qui ont déjà pensé, mais qui n’ont pour l’instant pas osé », explique Julien Jemin.

C’est aussi l’enjeu de l’étude sociétale menée en parallèle avec les étudiants de la filière BTSA Gestion et maîtrise de l’eau (GEMEAU) du lycée d’Ahun, partenaire du Conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine. (...)

Neutraliser quelques centaines de mètres de drains peut suffire à régénérer une prairie (...)

Les zones humides, alliées naturelles et précieuses pour faire face au climat

Au début des années 1980, le déploiement du drainage s’est intensifié, permettant d’exploiter des parcelles jusqu’alors inaccessibles, d’augmenter les productions, de travailler les parcelles en toutes saisons. Aujourd’hui, le changement climatique fait ressurgir d’autres besoins, dont celui de mieux gérer les ressources en eau. (...)

Une exploitation agricole résiliente, c’est aujourd’hui une exploitation qui recoupe « une mosaïque de paysages », à la fois des milieux boisés, des haies, des prairies séchantes, des prairies plus humides, « ce qui répond à la sécheresse mais aussi l’excès d’eau. C’est comme ça qu’on arrivera à faire face à ce changement climatique ».

Lire aussi :

 (La Ferme du Grand Laval/juillet 2023)
Des nouvelles du ruisseau réouvert

(...) L’objectif de cette opération était de réhydrater les sols de la ferme en reconnectant ce cours d’eau à la nappe, et de créer une zone humide favorable aux espèces sauvages. La pari est donc tout autant de pouvoir disposer d’herbe verte plus tard en saison pour faire pâturer les moutons autour de la zone que de créer des conditions de vie favorables pour les insectes, les oiseaux… (...)

L’effet fut très rapide, et même exceptionnel, avec une remontée immédiate du ruisseau, une remontée vraisemblable du niveau de la nappe (non mesurée mais visible par l’humidité des berges) et un élargissement de l’espace d’écoulement. Résultat : le lieu devient très accueillant pour la faune et la flore, et la prairie à côté est encore toute humide en juillet ! Les hirondelles viennent y chasser les insectes, hérons, colverts et poules d’eau y pêchent ou y promènent leurs jeunes, et déjà près de 30 espèces de libellules y ont été observées. Les poissons y circulent, et les insectes aquatiques sont nombreux. Et comme nous l’espérions, le site attire également des oiseaux d’eau migrateurs en halte. (...)

Des saules ont été plantés sur l’une des berges : nous attendons maintenant que les castors arrivent, attirés par ce nouvel espace, et poursuivent le travail de réhydratation que nous avons entamé. (...) (...) (...)