
Le nombre de conducteurs de taxis et de VTC augmente de manière exponentielle depuis plusieurs années. Une croissance qui entraine des dérives touchant principalement des migrants exploités et pris dans les filets de certains trafiquants. Parmi les pays les plus touchés par ce phénomène, le Portugal. Les autorités et les associations d’aide aux migrants tirent la sonnette d’alarme, et tentent tant bien que mal d’endiguer le phénomène. (...)
"Ces deux hommes étaient arrivé au Portugal il y a environ six mois par un réseau de passeurs. Ils ont transité par l’Espagne. Ils n’ont pas pu nous fournir leurs passeports. Les trafiquants les ont pris et leur demande de l’argent pour les récupérer", précise Luis S*, qui travaille pour la police judiciaire du grand Lisbonne sur le sujet. "C’est un schéma classique, c’est très inquiétant car ces gens non aucune protection sociale, ils sont dans une grande précarité et sont pris en otage par leur "patron". C’est un phénomène grandissant".
Un secteur qui emploie entre 2 000 et 2 500 migrants
Ces chauffeurs, qui viennent essentiellement d’Inde, du Bangladesh, mais aussi du Pakistan, d’Afghanistan ou de Moldavie, Sénégal ou Guinée sont de plus en plus nombreux à travailler dans le secteur des taxis et VTC. Selon plusieurs associations, ce secteur emploierait entre 2 000 et 2 500 travailleurs migrants dans la région de Lisbonne et de ses environs - et entre 700 et 800 dans la zone de Porto, seconde ville du pays. (...)
"On a chaque semaine environ 20 à 30 témoignages de migrants en difficulté, qui sont très peu payés et qui doivent faire beaucoup d’heures de travail pour pouvoir survivre. C’est très inquiétant, et même si on le signale aux autorités et que l’on tente de les aider, on se sent démunis", souligne Antonio Silva, travailleur social pour la ville de Lisbonne.
"Pour une grande majorité, le parcours est le même : le passeur a saisi leur passeport après les avoir fait venir illégalement au Portugal, via la France ou l’Espagne. Ils vivent dans des appartements insalubres avec plusieurs autres migrants qui sont dans la même situation. On a beaucoup de personnes qui sont épuisées, qui n’ont accès à aucun traitement médical s’ils tombent malades et qui ne peuvent quasiment pas avoir de jours de repos, sans compter les dettes qu’ils doivent rembourser aux passeurs", explique-t-il.
Un terrain favorable aux groupes mafieux (...)
"Des accidents arrivent parce que les chauffeurs sont trop fatigués" (...)
Pour Luis S. de la PJ du grand Lisbonne, la défaillance de l’État sur ce dossier crée un terreau favorable aux réseaux mafieux : "On est dans une situation très difficile, car la police et la justice sont des institutions qui se sont beaucoup affaiblies, avec des moyens humains et financiers qui sont de plus en plus limités. Ce contexte crée un espace favorable aux actions des groupes criminels et des passeurs qui savent que les procédures sont lentes à être portées devant un tribunal. Ils peuvent quasiment ’faire ce qu’ils veulent’, conclut le policier. "Le Portugal devient un endroit très convoité par les trafiquants".