
Selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM), 10 634 exilés ont été stoppés en mer Méditerranée centrale par les gardes-côtes libyens, depuis le début de l’année, alors qu’ils tentaient de rejoindre l’Europe. Parmi eux, 9 000 hommes et environ 1 000 femmes. Ils étaient 7 800 l’année dernière sur la même période.
La totalité des personnes qui tentent la traversée de la Méditerranée embarquent, depuis les plages libyennes, sur des canots vétustes en bois, en fibre de verre ou en métal, complètement inadaptés à de tels trajets en mer. Ils sont généralement arrêtés dans les eaux territoriales libyennes ou dans les eaux internationales – avec le soutien de l’Union européenne (UE).
Depuis 2017, en effet, un accord entre la Libye et l’Italie soutenue par Bruxelles autorise Tripoli à prendre en charge la coordination des sauvetages en Méditerranée centrale (tâche qui incombait auparavant à Rome ou à La Valette, à Malte). Le but : "endiguer" les arrivées de migrants en Europe. Depuis cet accord, non seulement la Libye est autorisée à arrêter les embarcations de migrants qui partent de ses côtes mais le pays bénéficie aussi d’une aide financière et logistique de l’Union européenne : Rome équipe les autorités libyennes et les forme aux interceptions.
Arrestations violentes en mer (...)
En juin 2024, par exemple, l’ONG allemande Sea-Watch avait diffusé une vidéo montrant des garde-côtes libyens, munis de bâtons, frapper des migrants qui venaient d’être secourus par un navire marchand. Sous la menace, les exilés avaient été forcés de descendre du pétrolier pour monter sur le patrouilleur libyen. (...)
Des navires d’ONG ont aussi été victimes d’intimidations de la part des Libyens qui n’hésitent pas à faire usage de leurs armes. Début avril 2024, des gardes-côtes de Tripoli avaient ouvert le feu en direction de l’un des canots de sauvetage du bateau humanitaire Mare Jonio. L’équipage était en train de secourir une embarcation de migrants lorsque les autorités libyennes sont intervenues, provoquant un mouvement de panique.
Envoi en centres de détention
Surtout, les exilés, ramenés contre leur gré en Libye, se retrouvent quasi-systématiquement en prison où ils sont soumis à des traitements inhumains (tortures, passages à tabac, humiliations, viols, voire assassinats) dans ces centres de détention officiels - et officieux. (...)
Le compte "Refugees in Libya" sur les réseaux sociaux se fait souvent l’écho de ces exilés emprisonnés. En novembre 2023, la rédaction avait relayé les images - insoutenables - de trois hommes et deux femmes violemment battus par des trafiquants d’êtres humains en Libye. Les victimes étaient détenues dans la ville de Bani Walid, à environ 200 km de Tripoli, et suppliaient qu’on leur vienne en aide.
Malgré les enquêtes médiatiques sur le comportement des autorités libyennes et les multiples condamnations des ONG, Bruxelles n’est jamais revenu sur cet accord. Pis, ce dernier fait des émules. La Grèce a envisagé, au mois de juin, un partenariat similaire avec Tripoli pour faire face aux arrivées en Crète par la Méditerranée orientale (notamment depuis Tobrouk, à l’est de la Libye). (...)