Alors que le cessez-le-feu entré en vigueur en octobre dernier est régulièrement violé et qu’Israël attend toujours la dépouille de son dernier otage, le flou entoure la phase 2 du plan Trump pour Gaza. Celui-ci prévoit une force internationale de stabilisation et un « Conseil de la paix » pour la gouvernance provisoire de l’enclave. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce plan et s’inquiètent de la « dérive » que constitue la résolution de l’ONU qui l’a endossé.
(...) « Une monstruosité juridique » : C’est en ces termes que le juriste Patrick Zahnd qualifie la résolution 2803 du Conseil de sécurité qui, en novembre dernier, a donné un cadre onusien aux 20 points du plan Trump pour la bande de Gaza. À la tête de l’ONG JURDI (Juristes pour le droit international), Patrick Zahnd n’a pas de mots assez forts pour fustiger le chemin que la communauté internationale est en train de dessiner pour l’enclave palestinienne et ses habitants, éreintés par plus de deux années de guerre meurtrière lancée par Israël après les attaques du 7 octobre 2023.
Force « de stabilisation » ou « d’occupation » ?
Le plan Trump prévoit une « Force internationale de stabilisation » dont les participants sont encore inconnus. Elle est censée œuvrer à « la destruction des infrastructures militaires terroristes » et à la démilitarisation de la bande de Gaza. « Ce n’est pas une force de paix, c’est une force d’occupation », s’insurge Patrick Zahnd, « une force totalement ad hoc, avec des prérogatives inhabituelles qui visent à préserver la situation sur le terrain et à utiliser la force pour désarmer des groupes palestiniens ».
Avis partagé par Rafaëlle Maison, agrégée des facultés de droit et professeur des universités, qui déplore une force dont le mandat n’est pas de protéger les Palestiniens : « Le cœur de l’autorisation donnée c’est le désarmement des groupes palestiniens donc c’est une force combattante qui est envisagée, en soutien d’Israël. »
« Pleins pouvoirs » à Donald Trump
Le plan Trump et la résolution 2803 de l’ONU prévoient aussi un « Conseil de la paix » qui pourrait être dirigé par le président américain lui-même. « Le Conseil de Sécurité a donné à Donald Trump les pleins pouvoirs à Gaza », décrypte Rafaëlle Maison, « c’est totalement inédit, c’est une sorte de pouvoir personnel dans une situation coloniale de type Congo Belge. » L’experte en droit international rappelle que des administrations provisoires ont existé, comme au Kosovo, « mais c’était alors une administration onusienne, pas un blanc-seing donné à un individu qui cherche clairement à faire des affaires. »
Pas de mention au droit à l’autodétermination des Palestiniens (...)
Pour Patrick Zahnd comme pour Rafaëlle Maison, c’est un dangereux précédent qui a été voté par les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU - la Russie et la Chine s’étant abstenues et n’ayant donc pas voté contre. Ici pas de blocage ni de droit de véto mais « un Conseil de sécurité fonctionnant qui valide quelque chose de gravement illicite », résume Rafaëlle Maison.
« Il faut en appeler aux États-tiers, la France et les autres, à ne pas participer au Conseil pour la Paix et à ne pas apporter de soutien à une possible Force internationale de stabilisation », plaide Patrick Zahnd.
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– Le ministre de la Défense israélien promet de ne « jamais quitter » Gaza
Les Palestiniens et les défenseurs des droits de l’homme le redoutaient. Israel Katz n’a fait que le confirmer. « Nous sommes au cœur de Gaza et nous ne quitterons jamais Gaza », a-t-il déclaré. Cette déclaration intervient quelques jours seulement après l’approbation, ce week-end, de 19 nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.
Depuis la colonie de Beit Il, en Cisjordanie occupée, où il célébrait l’approbation de 1200 nouvelles unités de logement dans les colonies israéliennes, le ministre de la Défense a aussi laissé entendre qu’Israël avait l’intention de créer des avant-postes dans le nord de Gaza, et ce, pour remplacer des colonies évacuées par Israël lors de son retrait unilatéral de 2005.
Ses services ont par la suite modéré ses propos, précisant que ces avant-postes ne seraient créés que pour des préoccupations sécuritaires. Si l’armée israélienne reste à Gaza de manière permanente. Il s’agit d’une violation claire du cessez-le-feu signé en octobre. Il prévoyait en effet un retrait total des soldats israéliens de l’enclave côtière palestinienne, et empêchait Israël d’occuper ou d’annexer Gaza.
Sur le terrain diplomatique, ces annonces risquent surtout d’aggraver les tensions régionales, d’affaiblir les perspectives d’un processus politique crédible, et retarder davantage la mise en place de la phase 2 du cessez-le-feu, réclamé par l’Égypte et le Qatar.