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club de Mediapart/Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l’Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l’Institut de Recherches de la FSU
Petite exégèse d’un propos ministériel sur l’école privée
#ecolepublique #ecoleprivee
Article mis en ligne le 14 janvier 2024
dernière modification le 13 janvier 2024

Non, Amélie Oudéa-Castéra, la nouvelle ministre de l’Éducation n’a pas fait une énorme bévue ! Elle a continué à poser les principes d’une politique scolaire nouvelle qui renonce à l’égalité ...

Il y a deux façons d’entendre les propos par lesquels Amélie Oudéa-Castéra, la nouvelle ministre de l’Éducation, a justifié son choix d’avoir inscrit ses enfants dans une école privée.

La première pourrait croire à une grossière méprise où, obsédée par la justification de son choix personnel, la ministre en aurait oublié que sa réponse sur les absences non remplacées fustigeait l’absence de continuité du service public d’éducation nationale dont ses amis politiques ont la responsabilité depuis bientôt sept ans … Une sorte d’impair magistral qui invoque l’incapacité d’une politique dont elle partage et soutient les choix.

Mais une autre lecture est possible qui fait de cette réponse non plus une maladresse mais une déclaration politique majeure.

A la fin de son propos, la ministre affirme clairement que l’école privée est autant l’école de la République que l’école publique. Jusque-là, les concessions progressives de la droite avaient fini par considérer que la liberté reconnue aux parents de choisir l’école privée nécessitait son financement. La logique engagée par Pétain en 1941 avait fini par s’imposer… mais elle se fondait sur le principe de la liberté de choix des familles et non pas sur celui d’une équivalence des écoles publiques et privées quant à leur rôle républicain. La preuve : la République n’a jamais contraint l’école privée aux obligations de laïcité.

Voilà donc une nouvelle étape franchie qui voudrait désormais que l’école publique perde sa spécificité fondamentale pour ne devenir qu’un élément dans un ensemble de ressources scolaires dont les usages respectifs seraient gouvernables à merci.

Mais pourquoi un tel choix ? (...)

désormais le discours républicain de l’égalité scolaire devient de plus en plus gênant pour les visées macroniennes. Il faut donc réussir à franchir un cap … assumer l’inégalité comme nécessaire à l’état de privilège de la classe dominante, à la conservation de ses intérêts, à la mobilisation que nécessite la défense et le renforcement de sa position de domination.
Et la condition de ces nécessités c’est le séparatisme social, l’entre-soi ….
La ministre a livré dans son discours les motivations d’un tel choix d’entre-soi : elle décrit la scolarisation privée de ses enfants comme leur permettant d’être « heureux et épanouis » parce qu’ils « se sentent en sécurité, en confiance » et qu’« ils y ont des amis ». Affirmer cela face aux personnels de l’école publique qui travaillent chaque jour à permettre cette sécurité et cette confiance dans un contexte de mixité sociale, ne peut évidemment pas relever d’une simple bévue… Elle procède de la même volonté politique que celle de Jean-Michel Blanquer redéfinissant le lycée professionnel au mépris de la démocratisation des savoirs ou que celle de Gabriel Attal organisant des classes de niveaux et préparant une orientation précoce vers l’apprentissage.

La macronie a décidé qu’il fallait désormais assumer un des postulats fondamentaux de l’ultra-libéralisme : l’inégalité est une condition favorable à la croissance économique. (...)