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"Parfois, nous n’avons pas d’eau pendant plusieurs jours" : les exilés du lycée Bamana à Mayotte réclament l’aide des autorités
#Mayotte #cyclone #migrants #immigration
Article mis en ligne le 16 janvier 2025

Depuis le passage du cyclone Chido à Mayotte le 14 décembre, Pamela vit avec son mari et ses trois enfants dans le lycée Bamana, transformé en centre d’hébergement d’urgence par les autorités. Cette Burundaise de 33 ans, qui a obtenu le statut de réfugiée en 2022, a perdu sa maison en tôle dans la tempête. Depuis fin décembre, les quelques 300 personnes qui logent dans l’établissement scolaire manquent de tout. À l’approche de la rentrée scolaire, Pamela, craint de retourner à la rue avec sa famille. Témoignage.

"Avant le passage du cyclone Chido, je vivais dans un ’banga’ que je louais 150 euros par mois à un Mahorais. Avant que la tempête ne balaye Mayotte, je suis allée me réfugier dans le lycée Bamana [à Mamoudzou, chef-lieu de l’île, ndlr], transformé en centre d’hébergement, avec mon mari et mes trois enfants âgés de un, cinq et huit ans.

Comme mon ’banga’ a été totalement détruit, je ne peux plus retourner vivre là-bas. Le propriétaire refuse de reconstruire mon habitation.

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a dévasté l’île de Mayotte. La majorité des ’bangas’, des habitations faites de tôles où habitent majoritairement des personnes étrangères, ont été détruits par les vents de plus de 220km/h. Dans ce département français situé dans l’océan Indien, environ un tiers de la population vit dans de l’habitat précaire.

À Mayotte, le secteur de l’immobilier est totalement saturé. L’État et les associations peinent à prendre en charge les réfugiés. Dans ce contexte, des marchands de sommeil construisent des cases en tôle sur leur terrain qu’ils louent ensuite à des exilés, en dehors de tout cadre légal. Une pratique largement répandue sur l’île.

Après le passage du cyclone, le gouvernement français a interdit la reconstruction des "bangas". Quelques jours après la tempête dévastatrice, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déclaré qu’"on ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire. Il faudra légiférer pour qu’à Mayotte, comme partout sur le territoire national, la France reprenne le contrôle de son immigration".

"On rationne la nourriture"

Au début, il y avait des Mahorais, des Comoriens et des ressortissants d’Afrique de l’Est dans ce lycée. Trois fois par jour, nous pouvions bénéficier de distributions de nourriture et nous avions accès à l’ensemble de la structure.

Le 30 décembre, les Mahorais et les Comoriens sont partis et depuis nous n’avons plus aucune aide.

Le 23 décembre, le maire de Mamoudzou a annoncé la fermeture des centres d’hébergement à partir du 31 décembre. Selon Daniel Gros, de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) à Mayotte, "les Mahorais ont rejoint leurs maisons ou sont allés chez des proches. Les Comoriens, qui ont développé un réseau, sont aussi allés chez des amis". La plupart étant sans-papiers, ils craignaient en outre une expulsion.

Les Africains des Grands Lacs, dont beaucoup sont demandeurs d’asile voire réfugiés statutaires pour certains comme Pamela, réclament une prise en charge de l’État et refusent de quitter le lycée. Ces ressortissants, dont la présence sur l’île est plus récente, n’ont que très peu de relations à Mayotte et se retrouvent désormais à la rue.

Depuis le début de l’année 2025, ils [les autorités, ndlr] ont coupé l’eau dans les sanitaires. Parfois, un gardien du lycée vient rouvrir l’eau. Mais cela nous est déjà arrivé de passer deux jours sans eau.

Nous avons accès qu’à un seul toilette pour tout le monde [au moins 300 personnes vivent dans le lycée Bamana selon la presse locale, ndlr]. C’est tellement sale que certaines personnes ont des infections ou des maladies.

En ce qui concerne l’alimentation, une association est passée fin décembre pour distribuer des sacs de riz, de l’huile, du charbon. On rationne la nourriture comme on peut : on mange un petit peu de riz blanc chaque jour, mais on a peur de manquer. (...)

Tensions et violences

Les conditions de vie dans le lycée créent des tensions entre les différentes communautés. La semaine dernière, des Congolais et des Burundais se sont battus dans la structure en pleine nuit. Alors que nous dormions, on a lancé une chaise juste à côté de nous. Ma fille de huit ans a fait une crise de panique et depuis, elle est très angoissée.

Les violences viennent aussi de l’extérieur (...)

Début janvier, des parents d’élèves du lycée Bamara, soutenus par le collectif citoyen Mayotte 2018, ont manifesté devant l’établissement scolaire pour demander aux sinistrés de quitter les lieux. "Il faut que ces gens soient rapatriés de là d’où ils viennent", avait alors déclaré la présidente du collectif, qui ces dernières années multiplient les actions contre la présence des personnes étrangères sur l’île. (...)

Les "scénarios" évoqués par la préfecture pour le "relogement des publics africains" présents dans les établissements scolaires (lycée Bamana et collège Kwalé de Mamoudzou) sont : "l’éloignement" des personnes et l’installation d’un "camp de tentes" dans les environs de Mamoudzou.