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ONG au bord du gouffre : « L’arrêt brutal de l’aide humanitaire est criminel »
#ONG #aidehumanitaire
Article mis en ligne le 28 mars 2025
dernière modification le 26 mars 2025

Deux mois après la décision prise par Donald Trump de fermer l’USAID, agence publique américaine chargé du développement économique et de l’aide humanitaire, les ONG sont encore sous le choc de la brutalité de la mesure. Impactées également par la baisse significative des budgets d’aide au développement des grands pays européens, - 40 % en France, elles sont contraintes de se réorganiser et de licencier une partie des équipes en France et dans le monde. Tout en s’interrogeant sur la fin d’un modèle construit depuis soixante ans.

« Hors norme ». « Terrain inconnu ». « Brutalité ». « Le chaos ». « Sentiment de sidération ». « Criminel ». Deux mois après la signature, le 20 janvier 2025, par Donald Trump de l’executive order (décret présidentiel) fermant du jour au lendemain l’agence publique USAID (United State Agency for International Development), créée en 1961 par le président Kennedy, les responsables des ONG françaises n’ont pas de mots assez forts pour décrire la conflagration provoquée par cette décision. (...)

Le chaos provoqué par la fermeture du robinet américain, qui représentait 40 % des budgets humanitaires dans le monde, a été aggravé par la désorganisation totale d’une administration américaine, elle-même saisie d’effroi par le renvoi tout aussi brutal de milliers de fonctionnaires ou de salariés sous contrat. « L’USAID, c’était 4000 agents publics et 14 000 “contractors“. Il n’en est plus resté que 600 », raconte Manuel Patrouillard, le directeur général d’Handicap International (HI).

L’impréparation de l’administration a été rendue visible par la multiplication des ordres et contre-ordres qui ont suivi le décret présidentiel. (...)

Puis dans les derniers jours de janvier et premiers du mois de février, on a reçu des “wavers“, des exceptions aux fermetures. Mais certaines de ces exceptions ont ensuite été annulées, et certaines de ces annulations ont elles-mêmes été annulées. Enfin, certains de nos interlocuteurs au sein de l’administration américaine ne savent même pas quels programmes font l’objet d’une exception », explique le patron de HI. Avant de préciser ironiquement : « Il y a certainement une logique, mais elle ne n’est pas accessible au commun des mortels. » (...)

« L’arrêt brutal de l’aide humanitaire est criminel, poursuit un responsable d’une ONG. On touche là à la vie ou la mort de millions de personnes. Si nous arrêtons tout, on peut tuer des gens. » Une réalité qui semble avoir été finalement comprise par Marco Rubio, qui, quelques jours après avoir annoncé l’arrêt de tous les programmes d’aide, est revenu en arrière en indiquant que cette mesure ne portait pas sur les missions de « life saving » (aide vitale). Sans toutefois en définir précisément les contours, laissant ainsi les humanitaires dans l’incertitude.

Des milliers de suppressions d’emploi dans le monde (...)

Mais les ONG ne sont pas les seules impactées par le démantèlement de l’USAID. C’est tout l’écosystème de l’aide humanitaire et au développement, de Genève à Washington, qui se retrouve sens dessus dessous. « La Genève des agences de l’ONU, c’est quelque 33 000 postes, dont une grande partie est à risques. L’OIM (Organisation internationale des migrations) vient ainsi de supprimer 500 emplois », indique le patron de Handicap International. Dans la capitale fédérale américaine, ce sont quelque 60 000 emplois qui sont menacés.

Autre conséquence, moins visible, des outils logistiques essentiels pour permettre aux ONG d’accéder à des populations difficiles d’accès, sont aussi menacés dans leur existence. (...)

Enfin, l’arrêt brutal et le démantèlement de l’USAID laissent aussi des impayés significatifs chez les ONG. Selon nos informations, les cinq ou six grandes organisations humanitaires françaises seraient exposées à hauteur de 200 millions de dollars (des factures adressées à l’administration américaine avant l’executive order du 20 janvier). Ces factures en souffrance seront-elles un jour payées ? En attendant, ces ONG espèrent un geste de l’Etat français pour leur permettre de soulager des trésoreries fragilisées. (...)

La double lame européenne

Pour les ONG françaises et européennes, l’arrêt brutal de l’aide américaine décidée par Donald Trump est d’autant plus dur à encaisser que le contexte européen est lui-aussi à la remise en cause des engagements humanitaires. La plupart des grands pays a ainsi annoncé des réductions de crédits pour l’aide publique au développement (APD) dans les budgets nationaux 2025.

C’est le cas de la France où le coup de rabot a été particulièrement sévère : moins 40 %, soit deux milliards envolés ! (...)

« Comme ça se fait dans un climat de crise budgétaire, l’APD sert de variable d’ajustement avec un sujet inexplicable pour les Français. Aucun acteur politique ne se mobilise sur le sujet », constate amer un humanitaire. D’autant qu’à l’extrême droite où l’influence de Trump se fait de plus en plus forte, certains en profitent pour tenter de diaboliser l’aide publique au développement et l’Agence française du développement (AFD) à coups de fake news.
Fin d’un monde

« Au-delà de la suspension des fonds, cette administration n’hésite pas à faire passer les acteurs de l’aide pour des criminels, c’est scandaleux. Face à cette crise, c’est une forme d’humanité qui est abandonnée. La malnutrition, depuis l’invention des suppléments nutritionnels qui ont radicalement changé la prise en charge, on sait la soigner. C’est ça qu’on est en train de casser. C’est cette idée qui est en train d’être attaquée. C’est révoltant », dénonce Olivier Routeau. (...)

Les solutions possibles pour compenser le retrait des Etats-Unis et le désengagement partiel de l’Union européenne ? Elles sont connues : taxe sur les billets d’avion, sur les transactions financières… Mais à l’heure du repli sur soi des pays occidentaux, de l’explosion des égoïsmes nationaux, et du néolibéralisme sans limite, quel pays ou ensemble de pays aura le courage de les mettre en œuvre au nom du bien commun ? (...)