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« One in, one out » : des associations françaises et britanniques dénoncent un marchandage politique des vies humaines à la frontière franco-britannique
#RoyaumeUni #France #Manche #migrants #immigration
Article mis en ligne le 12 octobre 2025
dernière modification le 9 octobre 2025

Dans cette tribune publiée aujourd’hui (8 octobre) dans le journal "Le Monde" et dont Migreurop est signataire, plusieurs associations et chercheur·euse·s français·e·s et britanniques se sont associé·e·s pour dénoncer l’accord franco-britannique conclu le 10 juillet 2025, surnommé "One in, one out", en pointant du doigt ses conséquences destructrices envers les droits des personnes exilées.

Un accord absurde et dangereux

Le 10 juillet 2025, à Londres, lors du 37ᵉ sommet franco-britannique, Emmanuel Macron et Keir Starmer ont annoncé un dispositif rebaptisé par la presse britannique « one in, one out », ce qui signifie littéralement « un qui entre, un qui sort ».
Présenté comme une « voie légale et sûre », cet accord réduit en réalité des trajectoires humaines singulières à une opération comptable. Les personnes en exil ne sont plus envisagées comme des sujets de droits, avec leur vulnérabilité et leur singularité, mais comme des unités substituables dans un jeu politique. (...) . Ce mécanisme transforme le droit d’asile en monnaie d’échange, renforce l’externalisation des frontières et piétine l’essence même de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Les principes du droit d’asile bafoués

Ce mécanisme révèle une rupture profonde avec l’esprit du droit d’asile et des conventions internationales. Avec le One in, one out, le droit de demander une protection contre les persécutions se conditionne à l’expulsion d’une autre personne, potentiellement aussi à protéger. (...) Cette logique absurde transforme un droit fondamental en délit et le devoir de protection en gestion policière.

Un dispositif tant illégal que irréalisable

Pour être « éligible » à l’entrée sur le territoire britannique, les personnes doivent répondre à un certain nombre de critères inapplicables à leur situation. Un exemple parlant, bien qu’il ne soit pas rédhibitoire, consiste à « prioriser »les personnes ayant déjà passé six mois consécutifs au Royaume-Uni, dans une situation administrative régulière et dans les cinq dernières années. Une absurdité criante, sans parler de la lourdeur administrative du processus et du besoin de documents qui empêche les familles de prétendre à ce système. Pendant tout ce temps de procédure, aucune protection n’est garantie en France : pas de statut, pas de droits, pas d’hébergement et une menace permanente d’interpellation et d’expulsion. Et in fine, une arrivée au Royaume-Uni déterminée par un tirage au sort arbitraire, et pour les plus chanceux un visa de trois mois, sans possibilité de travailler. Les mineurs non accompagnés, quant à eux, sont exclus du dispositif et laissés hors de toute voie sûre, exposés à des risques accrus, au même titre que les apatrides.

Le piège Dublin aggravé par One in, One out

À cela s’ajoute le règlement Dublin, qui enferme les personnes exilées dans une impasse : demander l’asile uniquement dans le premier pays européen où leurs empreintes ont été prises, là où l’accueil est souvent indigne et l’avenir inexistant. (...)

Accuser les personnes exilées rapporte des voix et alimente des carrières, alors même que des vies sont sacrifiées. Ce choix délibéré de la facilité et du mensonge est une faillite politique, sociale et morale.

Nous dénonçons

Nous, associations et personnes solidaires à la frontière franco-britannique, dénonçons ce marchandage cynique de vies humaines. Nous refusons que le droit d’asile soit transformé en loterie, qu’on décide qui sera protégé et qui sera rejeté. Nous refusons qu’au nom d’une prétendue “voie sûre”, on légalise le renvoi forcé, on organise l’errance et on normalise l’arbitraire.
La seule voie sûre est celle qui respecte, sans troc, la dignité et les droits fondamentaux de toutes et tous. Le droit d’asile est inaliénable : il doit être garanti, pas négocié.