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"On n’a rien pour se laver" : dans le nord de la France, l’impossible accès à l’hygiène pour les femmes migrantes
#migrantes #exilees #immigration #LoonPlage #RefugeeWomen’sCentre
Article mis en ligne le 18 décembre 2024
dernière modification le 16 décembre 2024

Pour les exilées du campement de Loon-Plage, prendre une douche ou tout simplement aller aux toilettes en toute sécurité est mission impossible : aucune structure d’hygiène ne leur est réservée sur le lieu de vie. Pour leur permettre de "retrouver leur dignité" mais aussi pour passer un bon moment loin de leur difficile quotidien, l’association Refugee Women’s Centre leur propose les douches d’un stade de Dunkerque.

Le moment est salvateur pour ces femmes, qui dans ce lieu de vie en plein air n’ont rien pour se laver. "À cause des démantèlements, les campements sont de plus en éloignés des villes, plus dispersés aussi. Cela coupe les exilées, déjà particulièrement invisibilisées, de tous les services d’accès à l’hygiène, explique Louise Borel, coordinatrice de Refugee Women’s Centre à Grande-Synthe. Ici pour aller aux toilettes, les femmes doivent d’abord se rendre à l’arrêt de bus le plus proche, à 35 minutes de marche. Puis prendre ce bus qui les dépose au magasin Auchan, où se trouvent les premières toilettes publiques".

Un périple impossible à faire de nuit. Mais se soulager dans le noir expose aussi les migrantes aux agressions, nombreuses dans le camp. Se retenir d’aller aux toilettes est par ailleurs préjudiciable pour leur santé, car synonyme "d’infections urinaires en nombre", précise Louise Borel. Pour palier au problème, Refugee Women’s Centre distribue aux femmes des couches pour adultes. "Mais sans point d’eau pour faire sa toilette quand la couche a été utilisée, c’est compliqué. La couche reste vraiment une solution de dernier recours".
"Toutes les femmes sont les bienvenues"

Depuis quelques années, l’association propose donc aux femmes quelques heures de répit, où pour prendre soin d’elles. Chaque semaine, les mardi, jeudi et dimanche, les exilées peuvent aller se doucher à Dunkerque. Pour bénéficier de ce service, les participantes s’inscrivent sur une liste via un document Google ou envoient un message directement à Refugee Women’s Centre. Elles peuvent donner un faux nom afin de préserver leur anonymat, et renseigner leurs besoins complémentaires, comme des protections périodiques, des lingettes, ou du lait pour bébé.

"Toutes les femmes sont les bienvenues", tient à rappeler Alexia Douane, coordinatrice juridique et sociale de Refugee Women’s Centre. "Quelle que soit leur origine, accompagnées d’enfants ou non". (...)

Une petite salle du stade de foot est également réquisitionnée pour distribuer des vêtements. À leur arrivée, Anita et ses amies plongent les mains dans les grands sacs remplis d’affaires pour l’hiver. Des pantalons sont soigneusement pliés et disposés sur le banc, à côté de t-shirts propres. La Sud-Soudanaise de 26 ans passe de sac en sac à la recherche d’un pantalon à sa taille. Pour cette fois, elle fera chou blanc. Mais finit par s’enrouler une écharpe multicolore autour du cou dans un éclat de rire. Un pull épais et des chaussettes hautes complètent son shopping du jour.

"Dans le camp, la vie est vraiment très difficile, confie-t-elle en perdant son sourire. On ne peut pas aller aux toilettes, on n’a rien pour se laver. Parfois, je regrette même d’être partie de chez moi. Mais c’est comme ça. J’aime venir ici, c’est déjà la troisième fois. On passe un bon moment avec mes amies". "Dans le camp, les exilées sont dépossédées de leurs décisions. Elles sont dépendantes ce que leur donne les associations, complète Alexia Douane. Nous, on met un point d’honneur à ce que, pour une fois, elles aient le choix". (...)

"Au-delà de l’aspect purement hygiénique, le but de cette activité, c’est aussi de faire sortir ces femmes du campement et de la survie. De mettre à leur disposition un espace en non-mixité, où elles peuvent se sentir bien et en sécurité", explique Louise Borel. "Elles peuvent, pour quelques heures, retrouver leur dignité, et passer un moment agréable entre femmes", abonde Alexia Douane. (...)