
Depuis le début du mois d’avril, la Garde nationale tunisienne démantèle des campements de migrants installés dans des oliveraies, le long de la route qui relie Sfax à Jebeniana. La plupart des exilés souhaitent rejoindre l’Europe mais les autorités tunisiennes, elles, réclament que les personnes soient rapatriées dans leur pays d’origine. Trois semaines après le début des démantèlements, que sont devenues les personnes expulsées ? InfoMigrants a recueilli les témoignages de plusieurs exilés concernés.
Les migrants qui vivaient dans les campements démantelés ont tout perdu. Au début du mois d’avril, la Garde nationale tunisienne a procédé à l’évacuation de plusieurs campements de migrants subsahariens installés dans les oliveraies autour de Sfax (centre-est de la Tunisie).
Selon Tarak Mahdi, député de Sfax interrogé par InfoMigrants, ces expulsions ont fait suite à de nombreuses plaintes déposées par des propriétaires d’oliveraies empêchés d’accéder à leur terrain. Les exilés qui ont subi ces démantèlements ont décrit à InfoMigrants des scènes violentes, une destruction quasi-totale de leurs affaires et l’absence de proposition d’hébergement alternatif.
Trois semaines plus tard, si des migrants ont fait le choix d’aller à Tunis pour tenter de bénéficier d’un "retour volontaire" dans leur pays via l’Organisation nationale des migrations (OIM), les autres se sont installés dans des petits camps adjacents, encore plus précaires que ceux démolis par les autorités. (...)
Lamine* est Gambien, il vivait dans le camp du "km 25"
jusqu’à son démantèlement, jeudi 3 avril. "La police était venue nous dire de partir quelques jours plus tôt. Quand les policiers sont arrivés, nous avons tous couru pour nous cacher dans les oliviers de l’autre côté de la route, mais des femmes et des enfants sont tombés. C’était effrayant parce que la police tirait des gaz lacrymogènes", raconte-t-il à InfoMigrants.
Des conditions de vie encore plus précaires
Depuis, le jeune homme de 29 ans n’a pas bougé. Il vit là avec une vingtaine d’autres exilés de différentes nationalités, dans le plus grand dénuement. "Nous dormons sous les arbres et nous n’avons que trois couvertures pour 24 personnes, la police a brûlé toutes les autres", confie-t-il. (...)
"La Garde nationale brûle les vivres pour faire partir les gens et interdit aux vendeurs ambulants de passage dans les camps de nous vendre de la nourriture ou du charbon". Les commerçants tunisiens, quant à eux, imposent aux migrants subsahariens des prix bien plus élevés qu’aux Tunisiens. "Si tu veux acheter quelque chose qui coûte un dinar par exemple, ici on va te le faire payer cinq dinars", rapporte Lamine. Et sur la route qui mène des habitations informelles aux commerces, les exilés se disent exposés aux risques d’agressions perpétrés par des jeunes Tunisiens.
Rejet des autres habitants des campements alentours
Dans ce contexte extrêmement tendu, chacun tente donc de survivre comme il peut. Et la cohabitation avec les habitants d’autres campements - souvent plus petits - n’ayant pas été évacués peut poser problème. Faire grossir un camp existant, c’est risquer d’attirer l’attention des autorités et de provoquer un nouveau démantèlement (...)
Expulsions dans le désert et envois en prison (...)
Lors de l’évacuation du camp du "km 30", Daouda assure avoir vu des bus emmener des exilés. "La Garde nationale nous a dit que c’était pour bénéficier du ’retour volontaire’ [de l’OIM] mais on n’a pas de nouvelles de ceux qui sont partis depuis. On se demande s’ils n’ont pas été envoyés dans le désert ou en prison." (...)
Le député Tarak Mahdi nie catégoriquement ces expulsions illégales vers les zones frontalières désertiques de la Tunisie. (...)
InfoMigrants a déjà reçu de nombreux témoignages de Subsahariens expulsés vers les frontières de la Tunisie et abandonnés dans le désert (...)
Plus récemment, en février 2025, un collectif de chercheurs a révélé, grâce à une trentaine de témoignages de migrants, que des ventes d’êtres humains avaient lieu à la frontière entre Tunisiens et milices libyennes. (...)