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Mediapart
« On m’a demandé de mentir à la justice » : le terrible aveu d’un policier dans l’affaire Angelina
#violencespolicieres #affaireAngelina
Article mis en ligne le 19 novembre 2025
dernière modification le 16 novembre 2025

L’enquête pour identifier les policiers qui, en 2018, ont fracassé le crâne de la jeune femme à Marseille prend un virage décisif. Selon nos informations, des agents ont reconnu avoir été présents au moment des violences. L’un d’eux dénonce les pressions de sa hiérarchie et du syndicat Alliance pour couvrir ses collègues. Après ces révélations, deux policiers de la BAC ont été mis en examen le 14 novembre pour non-assistance à personne en danger.

LeLe samedi 8 décembre 2018, à Marseille, la vie d’Angelina a basculé. En marge de la manifestation des Gilets jaunes à laquelle elle ne participait pas, alors qu’elle sortait de son travail, dans une ruelle calme, elle a reçu un tir de LBD. Projetée au sol, elle a eu le crâne fracassé et le cerveau atteint par des coups de matraque et de pied que des policiers lui ont donnés sans raison.

Depuis sept ans, alors qu’Angelina se bat contre des crises d’angoisse, des troubles de la mémoire et des malaises, les auteurs de ces violences continuent d’exercer. Mais cette impunité – comme celle de différents responsables – semble aujourd’hui menacée. En octobre, des policiers, mis en examen pour non-assistance à personne en danger, ont, enfin, avoué avoir été présents lors des violences.

Dans un rapport administratif dont Mediapart publie des extraits, Christophe M., alors membre du service de sécurité des transports en commun, a reconnu « avoir menti » à la justice, lors de sa première audition, en 2019. Invoquant des « pressions de sa hiérarchie et de son syndicat », Alliance Police nationale, il avait à l’époque nié sa présence et celle de ses collègues, se conformant à la version mensongère de son supérieur.

Il avait parallèlement transmis à sa hiérarchie l’identité de deux membres de la brigade anticriminalité (BAC), qu’il présentait comme étant au cœur des violences commises. Mais son commandant s’était dispensé d’en informer la justice.

À la suite de ces révélations, étayées par de nouveaux éléments de l’enquête, deux policiers de la BAC ont été mis en examen le 14 novembre pour « non-assistance à personne en danger » et placés sous contrôle judiciaire, selon une information de Mediapart confirmée par le parquet de Marseille. Ils ont à leur tour reconnu avoir été présents au moment des faits.

En 2019, le chef de la BAC et son adjoint, auditionnés par la justice, avaient pourtant catégoriquement nié la présence de leurs hommes sur place. (...)

Comment l’enquête a-t-elle basculé ? Selon nos informations, c’est en septembre 2025, soit près de sept ans après les faits, que le brigadier-chef Christophe M. a enfin raconté ce qu’il cachait jusque-là. Christophe M. pensait jusqu’alors que cette affaire était derrière lui. D’autant que depuis deux ans, il avait quitté Marseille pour Mayotte, lui qui, à 54 ans, prépare sa retraite.

Mais l’affaire n’était pas enterrée. Pas tout à fait. L’enquête judiciaire, ouverte en 2019 pour non-assistance à personne en danger et violences aggravées, avait été bâclée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Elle s’était soldée, faute de pouvoir identifier les auteurs, par un non-lieu, en 2020. Une deuxième information judiciaire avait abouti à la même conclusion, en janvier 2022. (...)

Angelina et son avocat, Brice Grazzini, n’ont pas renoncé pour autant et ont obtenu que la justice rouvre une instruction en septembre 2023. Depuis, la nouvelle juge, Karine Lebrun, et l’IGPN (dont la commissaire chargée des investigations a changé) ont passé au peigne fin tous les éléments, récupérant de nouvelles images et réanalysant les vidéos enregistrées au moment des violences commises.

En septembre 2025, Christophe M. ignore ces découvertes lorsqu’il reçoit une convocation en vue de son placement en garde à vue dans le cadre de cette instruction. Mais avant même d’être confronté à ces preuves matérielles, et sur les conseils du directeur départemental de la police de Mayotte, Christophe M. rédige un rapport administratif, daté du 10 septembre. Il revient sur sa déposition faite en 2019, dans le cadre de la première instruction. Il avait alors nié être présent au moment des violences commises sur Angelina. « J’ai menti », reconnaît-il, révélant avoir subi des pressions. (...)