
Environ 20% des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides entamaient vendredi leur troisième journée de grève reconductible, et leur huitième depuis le début du mouvement en octobre. Si les syndicats reconnaissent quelques avancées, ils regrettent qu’aucune réponse n’a été apportée sur les principales revendications, à savoir des recrutements supplémentaires et une baisse de l’objectif chiffré portant sur le nombre de décisions d’asile à rendre. Entretien avec Anouk Lerais, co-secrétaire générale de la CGT Ofpra et Henri de Bonnaventure, co-secrétaire du syndicat Asyl (action syndical libre).
(...) AL : Nos revendications principales se déclinent en deux axes.
Le premier est la baisse de 25% des objectifs chiffrés pour tous les services. Cela correspond peu ou prou à ce qui a été réalisé les années précédentes. Mais, les agents restent pourtant évalués sur des objectifs élevés et reçoivent des pressions constantes en ce sens.
HDB : La partie la plus visible est le nombre d’entretiens et de décisions annuelles assignés aux officiers de protection [personnes qui recueillent le témoignage des demandeurs d’asile et qui émettent un avis sur le dossier, ndlr]. Au total sur une année, un agent doit rendre 386 décisions. C’est irréalisable !
Ce chiffre n’est plus adapté car notre charge de travail a évolué : ces dernières années, l’Ofpra a de plus en plus mis l’accent sur la question de la vulnérabilité et sur les risques à l’ordre public. Nous devons donc prendre plus de temps pour examiner certaines informations données par les demandeurs d’asile en se basant sur ces critères, et ce travail de vérification a une incidence sur l’objectif. En clair, on augmente notre charge de travail mais on ne diminue pas le nombre de dossiers à traiter. (...)
Conséquence : les heures supplémentaires non payées s’accumulent, les congés ne sont pas pris, et les agents travaillent parfois chez eux le soir et le week-end pour atteindre ces objectifs. Ce n’est plus tenable.
Il peut aussi y avoir des répercussions sur la qualité de l’accueil des usagers et sur le traitement de leur dossier. Avec ce rythme infernal, les entretiens sont moins humains, alors même que les demandeurs d’asile ont besoin d’une véritable écoute. Notre travail est juridique donc on doit rendre une décision juste. Et cela nécessite parfois du temps. On risque de devenir une administration caricaturale et inhumaine. (...)
Le rôle de l’Ofpra n’est pas uniquement de statuer sur un dossier d’asile mais aussi de s’occuper des personnes une fois qu’elles ont obtenu la protection.
AL : Certes, huit nouveaux postes ont été créés l’an dernier dans ce service, portant à 16 le nombre de personnes chargées de délivrer les actes administratifs, mais ce n’est toujours pas suffisant. Les associations estiment qu’une cinquantaine de recrutements sont nécessaires pour rattraper le retard accumulé. On en est loin !
HBD : Nous réclamons aussi des recrutements dans les autres services, comme les ressources humaines, le budget ou l’informatique. (...)
La hausse des recrutements des agents a été menée dans un but politique, afin de répondre à la demande visant à réduire les délais des décisions d’asile, mais n’a pas été pensé au niveau de l’établissement, et se fait au détriment des officiers et des usagers. (...)