Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
GISTI
« Notre système institutionnel permet de violer ou de battre une femme en toute impunité dès lors qu’elle est en situation irrégulière »
#femmes #migrantes
Article mis en ligne le 30 novembre 2023
dernière modification le 29 novembre 2023

(...) Nos institutions refusent de tenir compte des violences sexistes et sexuelles subies par les femmes étrangères en France estime, dans une tribune parue dans le « Monde » du 25 novembre 2023, un collectif rassemblant plusieurs associations, dont le Gisti, qui s’opposent au choix délibéré de l’inaction.

En France, 213 000 femmes ont déclaré en 2019 être victimes de violences physiques ou sexuelles, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Certaines subissent aussi des violences psychologiques ou administratives de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Chaque année, 94 000 femmes sont victimes de viol ou tentatives de viol.

Ces violences concernent toutes les femmes, quelles que soient leur catégorie sociale, leur nationalité, leur âge. Elles peuvent prendre différentes formes et être subies au sein de la sphère familiale, mais aussi dans des relations sociales, dans la rue, au travail, n’importe où, tout le temps. La violence de genre est omniprésente, étouffante. Ces violences se déroulent dans l’intimité mais ne sont pas d’ordre privé : c’est l’affaire de tout le monde, à commencer par celle de la puissance publique.

Les femmes étrangères, comme toutes les femmes, peuvent être confrontées à des violences, dont certaines bien spécifiques. Majoritaires, elles représentent 52 % de la population migrante, d’après l’Institut national d’études démographiques, et leur condition de femme les expose à des violences systémiques et répétitives, du départ à l’arrivée dans le pays de destination.

Certaines, torturées, emprisonnées, exploitées, violées dans leur pays, d’autres victimes de sévices de toutes sortes pendant leur parcours migratoire ou bien en France. Et une fois en Europe, les violences ne s’arrêtent pas. De récents articles ont mis en lumière tous ces phénomènes. La réponse aux constats, aux alertes, aux dénonciations de l’innommable ? Le silence affligeant des pouvoirs publics.

Excision, mariage forcé, esclavage (...)

En refusant de tenir compte de ces violences, en refusant de les croire, de les accueillir, une autre violence est exercée, et cette fois-ci, émanant de nos institutions.

Un certain nombre de dispositions législatives garantissant des droits à des personnes étrangères victimes de violences ont été obtenues au cours des dernières années (...)

Ces textes ont le mérite d’exister. Certes. Reste qu’ils sont lacunaires, ne protègent pas toutes les femmes : leur interprétation s’avère majoritairement restrictive et soumise au pouvoir discrétionnaire de l’autorité préfectorale. En pratique, les femmes concernées n’accèdent pas à la préfecture : les démarches sont kafkaïennes et les auteurs de violences très créatifs pour empêcher les victimes d’entreprendre leurs demandes. (...)

Certaines femmes, parce qu’elles sont étrangères, se voient dénier leurs droits fondamentaux.

Souvent, elles ne peuvent pas porter plainte contre les violences subies, des policiers et policières arguant de leur situation administrative ou qu’elles n’ont pas le droit de le faire. Trop fréquemment, il leur est demandé d’apporter un certificat médical en amont du dépôt de plainte. En réalité, est exigé de la personne qu’elle rapporte des traces visibles, des preuves indéniables de la violence subie. C’est de cette preuve que découle la reconnaissance de la qualité de victime et des droits y afférents. (...)

Des femmes ont osé demander l’aide de la police à la suite de violences et ont été placées dans des centres de rétention où La Cimade intervient. (...)

Quel est ce système institutionnel qui permet aujourd’hui de violer ou de battre un être humain en toute impunité dès lors que la victime est en situation irrégulière ? Cela signifie-t-il que la qualité de victime est fonction de la situation administrative et que la protection dépend d’une autorisation de séjour tamponnée par la bonne autorité ?

Parler de l’intime n’est pas anodin et on ne peut pas attendre de ces femmes qu’elles racontent systématiquement et précisément ces traumatismes, ni avec le vocabulaire ni les codes socioculturels dits occidentaux. C’est pourtant ce qui leur est demandé ! (...)

La sanction pour ne pas avoir réussi à convaincre ? Un refus de protection, accompagné bien trop souvent d’une obligation de quitter le territoire. (...)

Assez ! Il est temps de décider d’une politique publique forte, de faire appliquer les textes, de créer des places d’hébergement, de soutenir l’accès aux droits et à la santé des femmes victimes de violences, de former les acteurs et d’octroyer les moyens nécessaires à une véritable politique de lutte contre toutes les violences.

Il est essentiel de protéger enfin toutes les victimes, y compris les femmes étrangères sans titre de séjour en France. Pour toutes, sans distinction, réclamons, exigeons plus d’égalité, de justice, de protection !

Lire aussi :

 Tout savoir sur la future loi asile et immigration
Genèse de la « réforme Darmanin » du Ceseda

Cette rubrique a pour objet de permettre un suivi de la réforme du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) annoncée par le ministre de l’intérieur au début de l’été 2022, et qui devrait aboutir durant la seconde moitié de l’année 2023.

Composée des différentes versions du texte qui ont circulé depuis l’été 2022, ainsi que d’une liste non exhaustive d’articles de presse, mise à jour au fil de l’actualité, cette page sera complétée au fil de l’eau avec des avis d’autorités indépendantes, mais aussi des communiqués et analyses d’organisations militantes.

Nous vous invitons à la consulter régulièrement. / Vous pouvez aussi être informé⋅e sur cette réforme en vous abonnant à notre liste de diffusion Gisti-info ou nos fils Twitter ou Mastodon. / (...)