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Mediapart
Niveau, mixité sociale, autorité : des députés débattent de l’école
#ecolepublique #ecoleprivee #educationnationale #extremedroite #discriminations
Article mis en ligne le 8 janvier 2024
dernière modification le 6 janvier 2024

Après les annonces de Gabriel Attal sur la réforme du collège pour améliorer le niveau et celles d’Emmanuel Macron sur le rétablissement de l’autorité, Fatiha Keloua Hachi (PS) et Christophe Marion (Renaissance), discutent des chamboulements à venir dans l’éducation.

ProfesseurProfesseur·es dans la vie civile, député·es depuis un an et demi, Christophe Marion et Fatiha Keloua Hachi ont répondu aux questions de Mediapart, à l’occasion d’un entretien croisé le 21 décembre 2023. (...)

Tous deux siègent à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Lors de notre entretien, ils réagissent notamment aux annonces de Gabriel Attal pour lutter contre la baisse du niveau des élèves en français et en mathématiques, avec comme mesures phares le retour du redoublement en primaire et des groupes de niveau dès 2024 pour la sixième et la cinquième, étendus jusqu’en troisième en 2025. (...)

Christophe Marion : Le président a à cœur d’effacer, de réparer les choses. Le choc des savoirs s’inscrit dans cette volonté de laisser une trace dans le domaine de l’éducation, après le demi-échec du premier mandat de Jean-Michel Blanquer. Au vu de l’état de l’Éducation nationale et d’une forme de maltraitance ressentie par les enseignants pendant cinq ans, je pense qu’on ne pouvait guère dire autre chose... Ce sentiment de maltraitance allait même au-delà des enseignants syndiqués.

Fatiha Keloua Hachi : Emmanuel Macron a commis une erreur en nommant Jean-Michel Blanquer en 2017 et en lui laissant carte blanche. J’étais enseignante à l’époque, Blanquer a brisé quelque chose dans l’envie d’enseigner dont on se remet difficilement. Puis nous avons eu Pap Ndiaye, qui n’a pas pu aller au bout de ses envies. Aujourd’hui, nous avons au contraire un ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, qui est vampirisant. Il est partout, tout le temps. (...)

C. M. (...) Il y a eu, c’est vrai, une mauvaise concordance des temps : le « choc des savoirs » en plein débat sur l’uniforme, sur l’autorité, tout cela crée une petite musique malheureuse, celle du retour de « l’école à la papa ». Il y a un peu d’emphase là-dedans. Il ne faut pas que ce soit le cœur du discours.

F. K. H. : Je ne suis pas d’accord. Je crois qu’aujourd’hui, si on veut avoir une carrière politique longue, il faut savoir où le vent souffle et là, manifestement, il souffle à droite. Il est donc de bon ton pour un homme aussi jeune que Gabriel Attal de parler d’uniforme, de savoirs fondamentaux et de redoublement. (...)

Mais pour moi il est hors de question qu’au collège, un élève ne puisse pas aussi s’épanouir dans les matières qu’il aime. L’histoire de l’art, c’est compliqué mais ça aiguise l’esprit critique. Le travail sur l’argumentation, même sans une feuille et un stylo, aussi. Si demain on dit à un élève : « Toi, tu vas être dans le groupe des faibles et tu ne feras que ça de la journée », comment évoluera-t-il dans les autres matières ? Comment ne pas le stigmatiser ? (...)

C. M. : Le redoublement est très discuté dans les échanges scientifiques. Il y a des débats, et on ne peut pas dire brutalement que c’est inefficace.

F. K. H. : La communauté scientifique dit que c’est inefficace depuis les années 1990 ! Le Cnesco (Centre national d’étude des systèmes scolaires) a fait une évaluation pendant des mois ! (...)

Les enseignants, ce qu’ils demandent, c’est qu’on leur fasse confiance, qu’on arrête les mesurettes qui abîment le métier. (...)

C. M. : On ne reviendra pas aux années 1980, et cela doit être l’ultime recours. Le redoublement doit être couplé à un accompagnement individualisé. Mais la menace qu’on peut faire peser avec le redoublement sur la motivation d’un élève, c’est immatériel, mais ça peut fonctionner. (...)

Beaucoup sortent dégoûtés des corrections du bac ou du brevet, où le rectorat harmonise les notes et augmente artificiellement celles qu’ils ont attribuées ! Les notes n’ont plus aucun sens par rapport au niveau des élèves. Je ne suis pas sûr que cela contribue à rendre le métier attractif. Il y a une forme de mépris des enseignants à fonctionner de la sorte. (...)