
Le 17 juin dernier, sur le site deChange.org, des actrices et acteurs du monde du livre se mobilisaient à travers la signature d’une pétition. On peut y lire que « la lecture, en donnant à découvrir une infinité de récits, de parcours, de pensées, nous ouvre à des imaginaires multiples et alternatifs. Elle est une expérience à la fois intime et collective. Douce et puissante. Entrer dans une histoire, un témoignage, un essai, c’est s’immerger dans la vision d’un autre, c’est approfondir la sienne, c’est entamer un dialogue d’une infinie richesse. Le livre, la lecture participent à rendre chacune et chacun attentif et respectueux, vigilant. La lecture offre à penser le monde, à le saisir dans toute sa complexité, à le questionner et à le rêver. Et parfois aussi à s’insurger. (…)
Nous, actrices et auteurs du monde du Livre, sommes porté.es par des valeurs de partage, de transmission, de médiation. Nous voulons pouvoir continuer à proposer des œuvres en toute liberté, en provenance de tous horizons, véhiculant une grande diversité de pensées et de discours. Nous défendons la nuance face à l’outrance, ce qui rassemble plutôt que ce qui divise, ce qui ouvre l’avenir plutôt que ce qui l’obscurcit ».
Si nous partageons cet extrait de la pétition, c’est naturellement pour vous inviter à la lire dans son intégralité et à la signer. C’est aussi parce qu’elle résume parfaitement le travail et les objectifs que nous poursuivons depuis 22 ans dans le cadre de l’Escale du livre puis, récemment, des Escales du livre. Nous avons toujours pensé nos débats, nos rencontres dans cette volonté d’ouverture à l’autre, à la diversité littéraire, culturelle, dans cette nécessité, exigeante parfois, de penser contre soi-même, contre ses propres préjugés. Nous proposons des ateliers, des animations dans le cadre de nos actions d’Education Artistique et Culturelle pour lutter contre les inégalités culturelles qui sont le reflet des inégalités sociales, pour créer du commun, du lien social. Notre objectif a toujours été de susciter la curiosité du public, de lui montrer qu’au-delà de ses différences, il se rejoint sur l’essentiel : l’envie de découvrir un auteur, un bon livre avec tous les plaisirs que cela apporte.
Pourrons-nous continuer à faire sereinement et librement ce travail ? Pourrons-nous continuer à défendre une diversité éditoriale au moment où un groupe comme celui de V. Bolloré développe son emprise sur le monde des médias et de l’édition avec les conséquences néfastes que l’on connaît ? Avec une extrême droite aux portes du pouvoir, nous en doutons. Ce sont nos valeurs, notre liberté réelle d’expression, nos droits culturels qui sont menacés. Le contexte politique exige de nous la plus forte vigilance et la mobilisation pour préserver ces valeurs, cette liberté.
Il peut paraître aujourd’hui naïf de croire que la littérature et les livres peuvent constituer un rempart efficace contre la progression des discours xénophobes et de haine, mais nous pensons sincèrement qu’ils sont de nature à nous rappeler cet humanisme, cet esprit d’ouverture dont ils sont une très bonne incarnation. C’est cette croyance qui fait que nous ne nous résignons pas à ce que certains présentent comme une fatalité le 7 juillet prochain. Il est urgent de se mobiliser et de refuser un gouvernement, une majorité parlementaire dont les principes vont à l’encontre même de ceux de la République. Souvenons-nous de ce qu’écrivait Albert Camus dans Les justes (1949), « il n’y a pas de bonheur dans la haine ».