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Inf’OGM/Par Mathilde DETCHEVERRY (Déléguée générale d’AVICENN)
Nanotechnologies dans les champs : rien de neuf depuis vingt ans ?
#nanotechnologies #agriculture #ecosystemes #AVICENN #transparence
Article mis en ligne le 24 février 2025
dernière modification le 20 février 2025

Les brevets impliquant l’utilisation de nanos* en agriculture se sont multipliés en 20 ans. Cependant, aucune amélioration n’est intervenue pendant ce temps concernant la disponibilité des informations dans ce domaine. Un rapport récent, demandé par AVICENN et publié par l’agence européenne des produits chimiques (ECHA), vient re-souligner la nécessité de changer la réglementation européenne afin de mieux identifier, évaluer et encadrer les nanos dans les champs et l’alimentation. AVICENN réclame davantage de transparence sur la commercialisation et les risques des nanomatériaux utilisés en agriculture depuis longtemps.

En novembre 2004, au Canada, le collectif d’experts-militants ETC Group publiait « La ferme atomisée »ii, un rapport aussi documenté que détonant, traitant de l’essor et de l’impact des nanotechnologies développées pour l’agriculture et l’alimentation. Parmi ses recommandations figurait l’interdiction de la dissémination dans l’environnement des intrants agricoles contenant des nanos (qu’il s’agisse de pesticides, d’engrais et de produits de traitement des sols) dont l’innocuité n’est pas établie. Ce qui nécessitait, de facto, la création de nouvelles dispositions réglementaires rendant obligatoires l’évaluation spécifique des risques de ces nouveaux produits. Produits pour lesquels quelques brevets avaient déjà commencé, à l’époque, à être déposés par BASF, Bayer, Monsanto, Syngenta, etc.

En 2024, quasiment aucune donnée n’est disponible publiquement

Vingt ans plus tard, on dénombre désormais plus de 1 000 brevetsiii sur l’utilisation de nanos dans le domaine de l’agriculture et les articles scientifiques sur le sujet se comptent par centaines. Mais aucune disposition réglementaire spécifique n’a été déployée. En novembre 2024, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié un rapportiv, dont les conclusions, moins radicales à première vue que le rapport d’ETC Group qui avait 20 ans, rejoignent finalement les préconisations de cette ONG. (...)

L’intérêt du rapport est qu’il pointe également les nombreuses lacunes en termes de connaissances concernant tant la commercialisation et l’utilisation des nanos dans le domaine agricole, que l’exposition humaine et environnementale et les dangers associés. Il souligne aussi que la réglementation européenne existante, en particulier, ne contient pas de dispositions spécifiques concernant les nanos dans les pesticides ou les engrais (...)

A quand un changement ?

Les recommandations du rapport méritent à cet égard d’être relayées, car elles sont très pertinentes :

  • mettre à jour la législation européenne afin d’intégrer une définition et des dispositions spécifiques pour les nanomatériaux dans les règlements sur les produits phytopharmaceutiques et les fertilisants ;
  • établir un cadre pour des instructions d’utilisation normalisées ;
  • créer une base de données des nanos utilisés dans l’agriculture de l’UE et mettre en place un système de notification obligatoire pour les fabricants ;
  • demander des analyses documentaires systématiques et des tests obligatoires de toxicité et d’écotoxicité pour étayer les allégations d’efficacité et permettre aux pouvoirs publics de remplir leurs missions.

Et maintenant ? Qu’adviendra-t-il de ces recommandations ? L’ECHA et les autorités publiques s’en empareront-elles ? Au niveau français, AVICENN a demandé à l’Agence française de sécurité sanitaire (Anses) que la société Innovamol soit invitée à présenter ce travail au « comité de dialogue nanomatériaux » réuni par l’Anses (...)

Lassée d’attendre que les réponses à nos questions viennent d’en haut, AVICENN a tenté à plusieurs reprises de déposer des dossiers de demandes de financements pour travailler avec des chercheurs sur l’identification et l’évaluation de risques de nanomatériaux dans les produits phytosanitaires, notamment auprès de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Mais notre projet n’a pas été retenu, au motif que l’accès au registre r-nano ne nous est pas autorisé (ni à AVICENN, ni aux chercheurs… qui travaillent pourtant pour des organismes de recherche publicsx). Le comité de sélection de l’ANR s’est dit « convaincu de la qualité de la question scientifique », mais pas par la « faisabilité du projet » dans la mesure où « la disponibilité des informations sur les produits n’est pas assurée ».

Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que les données sur les nanos contenus dans les produits phytos soient enfin exigées des fabricants et rendues disponibles, afin de rendre possible l’évaluation des risques qui y sont associés, pour les humains comme pour l’environnement ?