
La reprise de travaux sur les défaillances de la protection de l’enfance, stoppés net par la dissolution, a été votée mercredi à l’unanimité. À gauche, certains exigent que soient pointées les responsabilités ministérielles dans les maltraitances infligées aux enfants.
« Tout était bon pour nous humilier. » Placés chez une assistante familiale des années durant, deux frères ont témoigné en début de semaine, devant le tribunal de Chartres (Eure-et-Loir), d’une enfance passée comme des « esclaves ». Travaux forcés dans le jardin, goûters périmés, coups de fourchette, insultes racistes, tentatives de conversion de l’islam au catholicisme, seau pour les excréments : confrontée au flot de leurs souvenirs, cette professionnelle sélectionnée à l’époque par la protection de l’enfance, désormais jugée pour violences sur mineurs, s’est mise à « rougir », selon les journalistes présents. Et la République ? (...)
« La République est un parent défaillant pour ses enfants », a rappelé la socialiste Isabelle Santiago, rapporteuse de la précédente commission, en référence aux 400 000 jeunes maltraité·es dans leur famille, suivi·es ou placé·es par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). De plus en plus, en effet, ils s’y retrouvent aussi en danger. Ainsi, depuis la rentrée de septembre, chaque jour – ou presque –, une affaire éclate dans l’un des 101 départements. Dans la presse, en particulier régionale, c’est une litanie sans fin. (...)
Si un procès est programmé du 14 au 18 octobre pour dix-neuf prévenus (certains déjà condamnés pour des violences sexuelles), c’est grâce à un adolescent de 15 ans à l’époque, qui s’est retrouvé dans le coma et a lancé l’alerte. Aujourd’hui, il dénonce l’irresponsabilité du département du Nord : « Ils n’ont pas du tout fait leur travail, c’est pathétique. C’est quand même pas compliqué de vérifier un agrément ! » (...)
Le 25 septembre, on apprend la mise en examen d’un assistant familial de Loire-Atlantique, auquel le département avait confié une enfant handicapée de 4 ans. Infractions retenues : viol sur mineure, actes de torture et barbarie, agressions sexuelles. Cet ancien aide-soignant avait obtenu un agrément de l’ASE au début 2023. S’il a été repéré, c’est qu’il partageait des images avec des cyberpédocriminels en France et à l’étranger, dont une vidéo de cette enfant installée sur un lit médicalisé : la marque de l’équipement a permis aux enquêteurs spécialisés de l’OFMIN (l’Office mineurs créé en 2023 pour lutter contre la pédocriminalité) de remonter jusqu’à l’acheteur. (...)
Des adolescentes placées se retrouvent les proies d’individus qui les abordent sur les réseaux, leur envoient des taxis, les prostituent dans des appartements Airbnb. Là encore, le manque de professionnels formés est un catalyseur (...)
Le 10 septembre, le conseil départemental du Tarn-et-Garonne est secoué par une affaire hors norme, dont la médiatisation l’embarrasse. L’une de ses employées à la direction chargée de l’ASE, qui pouvait accéder à des données sur les enfants placés, est soupçonnée d’en avoir transmis à son compagnon, proxénète et recruteur au casier déjà chargé, également soupçonné de viols et de corruption de mineurs. Dans un premier temps, la collectivité a suspendu son agente, avant de la réintégrer, quatre mois plus tard. Elle est aujourd’hui mise en examen. (...)
À l’issue des travaux, « il faut proposer des solutions législatives, réglementaires et budgétaires », a osé un député LR, parti du premier ministre, Michel Barnier. La macroniste Laure Miller a même admis : « Les solutions ne sont pas que financières, mais elles le sont en partie... » Après avoir listé les défaillances de l’ASE, celle-ci a lancé, après sept ans au sein de la majorité présidentielle : « Pouvons-nous l’accepter, tous autant que nous sommes ? »
Pour La France insoumise, Marianne Maximi a brisé cet unanimisme de façade : « J’attends de la commission d’enquête qu’elle identifie les responsabilités politiques [dans les morts d’enfants placés – ndlr]. » Avant d’interpeller : « Qui n’a pas publié à temps les décrets d’application pour interdire les placements en hôtels ? » En janvier, dans l’attente, une adolescente s’était pendue dans sa chambre. (...)
Si la commission d’enquête est désormais reconduite, c’est dans un contexte moins propice que jamais à des avancées politiques. Pour la macroniste Laure Miller, il faudra « travailler dans un temps raisonnable pour se jeter dans l’opérationnel ». On la sentait presque déjà pressée de siffler la fin.