
Bientôt un navire de sauvetage battant pavillon européen en mer Méditerranée ? Si le bateau reste pour l’instant à l’état de projet, l’idée est défendue avec force par les ONG de sauvetage, régulièrement entravées dans leurs activités en mer par l’Italie.
C’est un souhait martelé depuis des années par les ONG de sauvetage en mer. Un projet porté au Parlement européen pourrait bien lui donner corps. Son nom : Navire Avenir. Imaginé par près de 500 créateurs – architectes, artistes, ingénieurs, soignants, rescapés – ce catamaran de 69 mètres de long sur 22,3 de large a été spécialement conçu pour le sauvetage de masse en haute mer.
Doté de cinq ponts, il pourra abriter jusqu’à 450 personnes, rescapés comme membres d’équipage. Le pont principal sera réservé à la vie collective à bord, un second, au calme et en hauteur, au dortoir de 370 lits. Une cuisine, un hôpital, une morgue, un espace maternité et un autre réservé aux enfants font partie intégrante de l’architecture du navire. (...)
Des rampes pour les zodiacs de sauvetage ont aussi été prévues sur les croquis du bateau. (...)
Pavillon européen
Idéalement prévu pour prendre le large début 2025 depuis Lampedusa, le bateau doit encore répondre à de nombreux défis. Il faut d’abord réunir les 20 millions d’euros nécessaires à sa construction. Proches, acteurs publics et privés… Les initiateurs du projet frappent à toutes les portes.
Le navire, bien que prévu pour être affrété par SOS Méditerranée, battra pavillon européen et devra aussi convaincre Bruxelles. Depuis plusieurs mois, l’eurodéputée et navigatrice Catherine Chabaud (Modem), s’efforce de faire connaître le projet aux parlementaires lors de séminaires à huis-clos et de tables rondes. "L’objectif, c’est de mutualiser les forces de toutes les instances européennes et pays membres, pour mettre avoir le maximum de soutien, affirme-t-elle. On ne peut pas laisser les ONG, seules, faire le travail".
Il y a quelques mois, le projet a pourtant connu son premier revers. L’agence européenne de surveillance des frontières extérieures, Frontex, a fait savoir qu’elle ne participerait pas à ce projet, ni de près ni de loin, arguant que le sauvetage de personnes en mer ne figure pas dans son mandat. (...)
Le pavillon européen serait pourtant "un signal fort" pour l’Europe, avance Catherine Chabaud. D’après l’eurodéputée, il permettrait de construire "des standards sociaux européens sur les navires humanitaires". Ce qui empêcherait toute entrave de sauvetage de migrants en mer, comme c’est désormais régulièrement le cas depuis la publication du décret Piantedosi.
Répondre à la crise humanitaire
Pour Louise Guillaumat, ce pavillon européen est un impératif : "C’est important que l’Europe prenne enfin ses responsabilités". Waseil Schauseil, de l’ONG allemande SOS Humanity abonde. "Les capacités de sauvetage des ONG sont fortement restreintes et limitées en raison des décisions politiques visant à entraver notre travail, alors même qu’il existe un besoin urgent de répondre à la crise humanitaire en Méditerranée, assure-t-il. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un véritable programme de recherche et de sauvetage coordonné par un ou plusieurs États européens, conforme au droit international et au droit de la mer. Pas de coopérations avec des acteurs illégitimes comme les soi-disant garde-côtes libyens ou tunisiens". (...)
Malgré les difficultés à venir, Catherine Chabaud ne perd pas espoir. "Ça ne se fera pas en un claquement de doigts. Il y aura beaucoup d’opposition. Mais on est déterminé. L’assistance en mer, c’est dans l’ADN du marin que je suis". Pour Louise Guillaumat, "ce bateau, il faut l’avoir. Il ne peut pas en être autrement".