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France24
Madagascar : une île fatiguée des promesses, secouée par une énième crise politique
#Madagascar #manifestations #inegalites #corruption
Article mis en ligne le 14 octobre 2025

La Grande Île connaît sa cinquième crise politique depuis l’indépendance en 1960. Sous la pression de "Gen Z Madagascar", le président Andry Rajoelina a quitté l’île de l’océan Indien, semblant laisser la main aux militaires. Une situation aux airs de déjà-vu...

Le président malgache Andry Rajoelina a été exfiltré par un avion militaire français lundi 12 octobre, selon les informations recueillies par Radio France Internationale (RFI). À l’origine de cette fuite, une mobilisation inédite lancée à l’appel de la "Gen Z Madagascar", un collectif lancé mi-septembre sur les réseaux sociaux.

Tout a commencé le 26 septembre, lorsque des milliers de jeunes malgaches sont descendus dans les rues d’Antananarivo pour agiter leurs portables comme des torches, afin de protester contre les coupures d’eau et d’électricité, ainsi que pour dénoncer la corruption systémique au sein des institutions et la pauvreté extrême qui touche une grande partie de la population.

La situation a basculé le weekend dernier. Andry Rajoelina a dénoncé samedi "une tentative de prise du pouvoir illégale [...] actuellement en cours", tandis que l’unité militaire Capsat – qui avait joué un rôle majeur dans le coup d’État de 2009 au profit du même Andry Rajoelina à la suite, déjà, d’une mobilisation populaire –, a appelé les forces de sécurité à "refuser de tirer" sur les manifestants, avant de rejoindre ces derniers dans le centre de la capitale malgache.

Une crise politique qui est loin d’avoir dit son dernier mot, mais qui ressemble fort aux précédentes. Depuis l’indépendance, en 1960, le pays a connu pas moins de cinq crises du même ordre. (...)

"Chaque régime promet la fin du désordre et finit par en être la source" (...)

Une colère qui, une nouvelle fois, a été déclenchée par une situation sociale et économique devenue insupportable. La Grande Île demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, alors que son économie a enregistré une croissance de 4,2 % en 2024. Un paradoxe devenu d’autant plus inadmissible que le président Rajoelina avait promis de mettre fin à la prédation de la classe dirigeante. Promesse non tenue, bien au contraire. La vie économique du pays, minée par la corruption et la fuite des capitaux, n’offre plus de perspectives à la population malgache, dont l’âge médian est de 20 ans. (...)

"Dans ce contexte, les pénuries d’eau et d’électricité ont engendré des insatisfactions telles que la défiance politique a atteint son paroxysme. Le lien politique entre le pouvoir et la population, qui était déjà abimé, est désormais ravagé", observe Christiane Rafidinarivo, politologue et chercheuse associée au CEVIPOF Sciences Po.

Pour l’historien Denis-Alexandre Lahiniriko, la récurrence des crises politiques s’explique par la nature de la relation entre l’État et la population. "L’État tel qu’il a émergé avant le Xe siècle a été pensé comme une institution étrangère à la population. Quand le pouvoir se frotte au peuple, c’est toujours sous forme de violence physique ou symbolique. Les Malgaches n’ont jamais réussi à créer une organisation socio-politique plus ou moins cohérente dans laquelle la population se reconnaît", explique Denis-Alexandre Lahiniriko, maître de conférences au département d’histoire de l’université d’Antananarivo.
"Les forces armées ont agi et pris la parole de façon à préserver l’unité"

Alors que le pouvoir est désormais vacant, les militaires vont-ils de nouveau prendre en main le destin du pays ? "Les militaires, avant les gendarmes, ont pris la main pour arrêter la répression contre les manifestants. Ils ont réorganisé la chaîne de commandement, pour que ça ne tourne pas à une lutte entre factions, après que les forces de gendarmerie et les militaires se sont tirés dessus samedi. Ce qu’on peut dire, même si la situation évolue, c’est que les forces armées ont agi et pris la parole de façon à préserver l’unité et maintenir la souveraineté du pays", observe Christiane Rafidinarivo.

Si en 1991, les militaires avaient obligé les politiques à trouver un accord pour sortir de la crise, la situation est cette fois-ci différente dans la mesure où ce sont les jeunes qui sont montés au front pour mettre l’État face à ses responsabilités.

Ce qu’il y a de nouveau avec cette génération très connectée, c’est qu’elle a une culture numérique spécifique ouverte sur le monde qui lui permet de comparer avec ce qui se passe ailleurs. Contrairement aux générations précédentes, elle n’a pas subi la censure politique. Son mot d’ordre, c’est : ’On se lève pour la terre de nos enfants.’ (...)