
Le ministre du logement Guillaume Kasbarian entend, dans le cadre d’un futur projet de loi, s’attaquer aux locataires de HLM qui dépasseraient les plafonds. Seulement, tous les outils de contrôle sont déjà opérationnels.
(...) Selon lui, plus de 8 % des locataires de HLM ne seraient plus éligibles à un logement social s’ils en faisaient la demande aujourd’hui. (...)
Le ministre envisage donc, toujours selon le quotidien économique, de réexaminer régulièrement « la situation personnelle, financière et patrimoniale » de ces locataires. « Il faut réinterroger la pertinence à continuer à occuper un logement social de ceux […] qui ont pu hériter, ont parfois une résidence secondaire en leur possession, et dont le patrimoine – et c’est le sens de la vie – a évolué. » (...)
Cette disposition devrait être intégrée dans un projet de loi voulu comme un texte plus large pour favoriser le logement des classes moyennes et présenté en Conseil des ministres en mai, pour un examen au Sénat en juin.
Ces déclarations sont accueillies fraîchement par les acteurs du secteur qui y voient une mise en concurrence de personnes pauvres entre elles. Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, considère ces déclarations comme « de l’affichage politique » pour un ministre qui ne souhaite pas davantage financer la production de HLM. (...)
Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat (USH), l’association représentative du secteur HLM, se dit « contrariée » par le fait que le ministre emploie ce terme impropre de « logement social à vie », ce qui n’existe pas. Et qu’il veuille introduire des garde-fous… qui eux existent déjà.
Les revenus des locataires et la situation familiale des locataires HLM sont fort contrôlés, à travers une enquête « ressources » annuelle obligatoire et prévue par le code de la construction et de l’habitation. Les bailleurs reçoivent aussi des informations par la Caisse d’allocations familiales, qui verse les prestations comme les aides pour le logement, lesquelles sont perçues de fait par des personnes dont les revenus n’excèdent pas les plafonds permettant de loger en HLM.
Effondrement de la construction de logements sociaux
Manuel Domergue abonde dans le même sens. Tous les outils de contrôle sont opérants. La loi Molle de 2009 a durci les conditions de maintien dans les HLM. Puis la loi Élan de 2018 a mis en place la commission d’attribution des logements (Caleol), qui examine tous les trois ans la situation juridique d’occupation, de sous-occupation ou de dépassement des plafonds de ressources des locataires de logements sociaux.
La commission, le cas échéant, applique des suppléments de loyer de solidarité (SLS) – disposition à l’œuvre depuis 1958 –, voire met fin au bail. 83 450 ménages dépassant les plafonds paient un supplément de loyer de solidarité, soit 1,6 % des 5,2 millions de locataires HLM, rappelle Manuel Domergue.
« Par ailleurs, ajoute Marianne Louis, la majorité des personnes qui intègrent les HLM sont bien loin d’atteindre les plafonds… » (...)
Marianne Louis précise aussi que si le chiffre de 8 % de dépassement avancé par le ministre est exact – l’étude d’impact n’a pas été transmise aux acteurs par le ministre –, il faudrait expulser du logement social 400 000 familles. « Si le projet du ministre est celui-ci, où vont-elles aller ? »
La directrice générale de l’USH souligne les contradictions du gouvernement, officiellement déterminé à favoriser la mixité sociale. Même s’il faut pour cela dévitaliser la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) en intégrant dans le quota de logements sociaux, les logements intermédiaires destinés aux classes moyennes, et en réalité plutôt aux cadres comme le rappelait récemment la Fondation Abbé Pierre. « Mais dans ce cas-là, ce n’est pas pour, dans six mois, venir faire des grands numéros à l’estrade pour déplorer le manque de brassage social dans les HLM. »
Guillaume Kasbarian n’en est pas à son coup d’essai. Libéral assumé, il est un spécialiste des attaques envers les plus précaires. Comme en a témoigné son recours à des fables médiatiques pour faire adopter sa très décriée « loi anti-squat ».