
Je donne le point de vue d’une enfant d’immigrés (de la deuxième génération) pour rappeler à quel point la question de l’identité n’est pas monolithique. J’explique également pourquoi, à mon avis, la France tourne le dos à ses valeurs. Je crains qu’on ne scie la branche sur laquelle nous sommes négligemment assis.
(...) Mes parents furent le produit d’une histoire coloniale compliquée mais ils furent avant tout des êtres humains.
Je suis métisse et française (pas seulement de papiers, contrairement aux idées reçues, car j’aime ce pays avec mes tripes).
Je suis citoyenne du monde mais très ancrée dans ce territoire de l’hexagone.
La France est Terre de rencontres et de paradoxes, du fait de son Histoire et de son Héritage. J’en suis la preuve vivante.
La loi anti-immigration voudrait effacer cette réalité. Cette loi fait désormais peser sur nous, fils et fille de l’immigration, un conflit de loyauté qui ne devrait même pas exister.
Je suis née en 1968, à une époque de confrontation très dure et seul le mince espoir d’une fraternité universelle a permis de faire reculer les nationalismes mortifères. Rappelons-nous, le monde était au bord du précipice.
Seul un rapprochement et un dialogue entre les peuples pouvaient nous sauver du suicide collectif des guerres incessantes.
La France des Droits de l’Homme restait l’un des rares porte-flambeaux de ce fragile espoir. La réconciliation historique avec l’Allemagne fut exemplaire.
La France faisait et fait toujours rêver.
Cependant, le réveil est brutal : la dérive actuelle risque de créer une nouvelle génération...
Une génération d’apatrides. Des personnes comme moi qui sont issus de l’immigration récente et qui n’ont pas la bonne couleur de peau.
Est-ce que nos dirigeants sauront s’arrêter à temps, avant que le régime ne bascule dans l’innommable ? Avons-nous déjà franchi la ligne rouge ? (...)
nous sommes d’accord que, depuis beaucoup trop longtemps, toutes les boussoles africaines pointes obstinément vers l’Occident.
L’Occident triomphant qui donne des leçons à la Terre entière…
Nous sommes également d’accord que ce pôle d’attraction vertigineux qu’est l’Occident doit désormais faire de la place à d’autres entités, des alternatives bienvenues pour rééquilibrer les relations internationales, pour donner des perspectives à tous les désespérés de la planète.
Il est également temps de se poser des questions de réciprocité : de très nombreux français sont présents dans ces pays dans des conditions jusque-là très avantageuses… Les échanges commerciaux se font dans la même logique de domination. (...)
Et jusqu’à quand le déni mortifère sur l’apport inestimable de la culture arabe (les chiffres, la médecine au temps des Califes, Avicennes et Averroès…) ?
Est-ce que l’on comprend la valeur intrinsèque de l’Afrique et de l’Orient proche ? (...)