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Mediapart
Les propos racistes et homophobes attribués à Macron ne surprennent plus personne
#Macron #racisme #homophobie #LeMonde
Article mis en ligne le 24 décembre 2024
dernière modification le 22 décembre 2024

Les propos racistes et homophobes attribués à Emmanuel Macron dans une enquête du « Monde », bien que démentis par l’Élysée, font écho à des années de discours réactionnaires d’un président qui s’est pourtant longtemps présenté comme progressiste.

« Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou. » Depuis la publication d’une enquête du Monde jeudi soir, la phrase tourne en boucle dans la sphère politico-médiatique française. Il faut dire que l’information est sidérante : cette phrase raciste aurait été prononcée par le président de la République en personne.

Le quotidien relate une réunion qui se serait tenue à l’Élysée avec Alexis Kohler et Aurélien Rousseau en 2023. Emmanuel Macron y aurait évoqué la situation de l’hôpital public et l’aide médicale d’État aux étrangers en situation irrégulière. « Non, ce n’est pas le premier problème de l’hôpital », aurait nuancé le ministre de la santé d’alors. « Si, si. Vas-y, tu vas voir ! », aurait rétorqué le président.

Contacté, Aurélien Rousseau indique à Mediapart « ne pas et ne jamais faire de commentaires sur des échanges rapportés avec le président de la République ». La présidence de la République a apporté un « démenti ferme et absolu » à nos confrères, qui, eux, maintiennent leurs informations. À Mediapart, un proche d’Emmanuel Macron dénonce les « ragots » du journal Le Monde, qui prend « des propos d’opposants pour des faits. [...] Moi, je ne l’ai jamais entendu parler comme ça », affirme notre source. (...)

Le Monde rapporte d’autres propos. En 2019, Emmanuel Macron choisit Valeurs actuelles pour une interview exclusive. À l’époque, le choix de cet hebdomadaire – condamné en 2015 pour « provocation à la haine raciale » puis une deuxième fois pour « injure publique à caractère raciste » en 2024 – donne déjà un signal sur le discours du chef de l’État. Au détour d’une réponse, Emmanuel Macron aurait désigné les Français·es d’origine maghrébine par le qualificatif raciste de « rabzouz ». Après relecture des équipes de l’Élysée, les propos auraient disparu de la version publiée. (...)

« On attend d’un président de la République qu’il pose un cadre, rigide, d’un respect d’éthique, de la considération apportée aux autres. Ici, il montre que finalement, en fonction des rapports de force qui existent, il serait prêt à faire des références à des idéologies immondes, qui dévalorisent autrui », regrette Dominique Sopo.

Une autre phrase tourne et virevolte sur les réseaux sociaux et dans les médias nationaux ce jeudi, mais cette fois-ci, le président ne peut pas nier l’avoir prononcée. Alors qu’il venait d’arriver sur l’île de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, il a lancé, devant les caméras présentes : « Vous êtes contents d’être en France ! Car si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde. » En face, des dizaines d’habitant·es sinistré·es tentaient de lui raconter leur désespoir face à la lenteur de l’aide, alors que la grande majorité du territoire est ravagée.

Pour Danièle Obono, députée La France insoumise (LFI), il n’y a pas de mystère sur le lien entre ces différents événements : « C’est le même état d’esprit, le même cadre de pensée coloniale », affirme l’élue à Mediapart, qui inscrit ces sorties dans une logique plus globale : « Ce ne sont pas des propos en l’air ou des dérapages, c’est l’expression d’une politique raciste », détaille la parlementaire.

« Au mépris de classe s’ajoute le mépris de race » (...)

au sommet du G20 à Hambourg (Allemagne), le président réitère pourtant. « Quand des pays ont encore aujourd’hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien », dit-il devant les journalistes, soutenant ainsi que les femmes africaines ne maîtriseraient pas leur sexualité, et seraient donc à l’origine de la surpopulation et du sous-développement du continent africain.

On ne compte par ailleurs plus les appels du pied à l’extrême droite, citant en référence Charles Maurras, apologiste du gouvernement de Vichy et inspirateur de la collaboration, lors d’une réunion de ses troupes ou qualifiant par exemple de « totalement immigrationniste » le programme du Nouveau Front populaire (NFP), un terme cher à Jean-Marie Le Pen. (...)

Sous couvert d’une stratégie politicienne fabriquant le duel avec le Rassemblement national (RN), le chef de l’État en a parfois emprunté la rhétorique, voire certains éléments du programme politique – la loi asile immigration votée en 2024 en étant l’un des derniers exemples. « Il y a un cadre idéologique qui s’est extrême-droitisé, une vision raciste, activement islamophobe », soutient Danièle Obono.

Dominique Sopo ne se dit pas non plus « surpris » par ces propos rapportés, « au regard du mépris dont fait preuve Emmanuel Macron, qui s’exprime à l’égard de plusieurs catégories de Français. Au mépris de classe, qui affleure depuis le début de son premier mandat, s’ajoute le mépris de race ».

Le président de SOS Racisme observe, ces dernières années, la disparition progressive du champ lexical de l’antiracisme et de la décolonisation dans la bouche du président : « On a quand même un président qui n’emploie quasiment plus le mot “racisme” ! », s’émeut-il. Elle semble lointaine, l’époque où le candidat Macron assurait, en visite à Alger en avril 2017, que la colonisation était « un crime contre l’humanité [...], une vraie barbarie ». (...)

« C’est toujours les mêmes stéréotypes homophobes »

Autres discriminations, même source. Dans leur enquête, nos confrères du Monde soulignent la légèreté avec laquelle le président Macron et ses proches manieraient le champ lexical de l’homophobie. L’Élysée aurait par exemple baptisé Matignon « La cage aux folles », au moment où s’y trouvait Gabriel Attal, le premier occupant des lieux ouvertement gay. Ce que Louis Jublin, bras droit de l’ex-premier ministre, a confirmé au quotidien. (...)

« Les bras nous en tombent », se désole James Leperlier, président de l’association Inter-LGBT, auprès de Mediapart. (...)

Le militant engagé pour les droits des personnes LGBTQI+ constate « une sorte de continuum » dans les déclarations problématiques et stigmatisantes d’Emmanuel Macron, dont la politique s’est progressivement éloignée des luttes sociales. Cette dégringolade a trouvé son apogée dans la nomination de Michel Barnier au poste de premier ministre en septembre. Cette figure du parti Les Républicains (LR) avait alors constitué un gouvernement de tendance Manif pour tous, qui avait tant inquiété les observateurs·ices que Gabriel Attal avait demandé à Michel Barnier d’assurer qu’il n’y aurait « pas de retour en arrière sur la PMA, le droit à l’IVG, les droits LGBT ». (...)

« Pour un président qui se présentait comme le tenant d’un nouveau monde, tout ceci est affligeant, conclut aujourd’hui Dominique Sopo. Le nouveau monde ressemble furieusement, non pas à l’ancien monde, mais à un monde dont on pensait qu’il était déjà englouti depuis longtemps. »