
Buffles, chevaux sauvages… des projets de réensauvagement des espaces naturels se développent en France et en Europe. Ils protègent la biodiversité mais entrent parfois en concurrence avec l’agriculture, tout en devenant une attraction touristique.
. À 50 kilomètres à l’ouest de Bordeaux, dans le Médoc, la réserve naturelle de l’étang de Cousseau est gérée par la fédération d’associations de protection de la nature Sepanso Aquitaine depuis 1976.
Sur les 900 hectares protégés, l’association mène une politique de « réensauvagement » pour valoriser le fonctionnement naturel de l’écosystème, en laissant les processus naturels fonctionner seuls. Ainsi, depuis 1990, un troupeau d’une trentaine de vaches marines landaises, une race qui peuplait le littoral aquitain au début du 19e siècle, y coule une vie paisible. La présence de ces grands herbivores a permis le retour d’une diversité de faune et de flore dans le marais.
Ces dernières semaines, la Sepanso a franchi un nouveau palier : 63 bousiers sauvages, des insectes qui décomposent les bouses des herbivores, ont été réintroduits après une expérimentation en 2023. Un mois avant, un lâcher expérimental de huit buffles d’eau domestiques s’était tenu en grandes pompes. (...)
« On est dans une philosophie qui vise à remettre toutes les briques fonctionnelles de l’écosystème. Or, les briques des grands herbivores et des insectes éparpilleurs de bouses manquaient », poursuit le responsable. Avec ces animaux, le but est de maintenir le marais ouvert tout en réduisant la présence humaine dans la réserve.
Des projets avec des éleveurs (...)
l’ONG. Rewilding Europe est présente dans dix pays européens. C’est elle qui a financé le lâcher de buffles d’eau et la réintroduction des bousiers dans la réserve de Cousseau, via le fonds Fonds européen pour le rétablissement de la vie sauvage. (...)
La Sepanso Aquitaine a également partagé ses techniques et expériences avec Rewilding France. Cette association est en passe « de devenir une fondation qui pourrait financer des projets d’élevage d’un nouveau type », d’après Gilles Rayé, son président, agrégé de biologie et ancien chef de mission biodiversité au ministère de l’Écologie. (...)
La question agricole percute souvent celle du réensauvagement. Le projet « Vercors Vie Sauvage », porté par l’association Aspas, fait ainsi l’objet de critiques. Il s’agit d’une réserve de vie sauvage de 490 hectares inaugurée en 2019, sur la commune de Léoncel (Drôme). Toute activité agricole y a été interdite. Les terrains ont été achetés 2,3 millions d’euros grâce à un système de dons défiscalisables. « Ça coûte très cher ce type de projet, on ne peut donc pas les démultiplier. Et puis il y a un fossé énorme entre le monde rural et le monde de la protection de la nature », analyse Gilles Rayé. L’homme se dit pourtant favorable à une alliance entre la biodiversité et le monde agricole. (...)
Pour faire accepter les projets de réensauvagement auxquels elle participe, l’association Rewilding Europe cherche, plutôt que d’isoler les espaces préservés, à créer des activités économiques autour d’eux.
« La question reste de savoir quel impact ont ces actions au niveau écologique certes, mais aussi au niveau social », met en garde Nicolas Lescureux, chercheur au CNRS. Sur son site internet, Rewilding Europe vante par exemple la remise en eau des tourbières du delta de l’Oder, en Allemagne et en Pologne.
Avec ce projet, l’association se félicite d’avoir créé « 70 nouveaux emplois dans le tourisme et la conservation de la nature », mais reconnaît que 35 emplois dans l’agriculture ont également disparu dans le même temps. (...)
Nicolas Lescureux est également défavorable à une séparation stricte des activités productives et des activités de protection de la nature. « C’est une forme d’aveu d’échec : nous ne serions pas capables de tirer notre subsistance sans tout détruire, donc nous nous retirons d’une partie de la planète et nous intensifions l’exploitation de l’autre partie » (...)