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Mediapart
Les mouvements écologistes à l’épreuve de la répression judiciaire
#ecologie #repression
Article mis en ligne le 30 mars 2024
dernière modification le 29 mars 2024

Attisées par l’urgence climatique, les tensions n’ont jamais été aussi fortes entre les organisations écologistes et l’État, qui se veut désormais implacable vis-à-vis de certains modes d’action tels que la désobéissance civile et assume la criminalisation d’un « écoterrorisme ».

Arrestations massives, systématiques, et parfois préventives, poursuites confinant au harcèlement judiciaire de la part du parquet, violences policières… Cela fait plusieurs années que de nombreuses voix alertent sur la répression dont fait l’objet le mouvement écologiste.

Au mois de février dernier, le rapport sur la répression des mouvements de désobéissance civile du rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, s’inquiétait de la dégradation de la situation dans plusieurs pays européens, dont la France.

Au mois d’octobre 2023, Greenpeace dénonçait de le « calvaire judiciaire » de sept de ses militants, « interpellés, placés en garde à vue durant 48 heures, et déférés au tribunal judiciaire de Paris » pour une action symbolique devant le ministère de la transition écologique. (...)

Cette répression accrue du mouvement écologiste, et plus particulièrement de la désobéissance civile, avait même fait l’objet d’une étude juridique détaillée en novembre 2022 dans un rapport intitulé « La désobéissance civile environnementale devant les tribunaux », réalisée par la Clinique de l’école de droit de Sciences Po pour le compte de Greenpeace.

Laura Monnier, responsable juridique de l’ONG, fait remonter cette intensification de la répression à « la montée sécuritaire dans tous les domaines qui a suivi l’état d’urgence antiterroriste de 2015-2016 ». Mais, « il y a quand même un durcissement spécifique depuis quatre-cinq ans sur l’écologie, et plus particulièrement sur des mouvements de désobéissance civile tels qu’Alternatiba ou les Soulèvements de la Terre ». (...)

les militants ont réussi à s’organiser et à avoir une force de frappe plus efficace et qui a conduit à certaines victoires. Et cela fait peur à l’État, qui essaye de mater cette nouvelle force. »

Ainsi, la garde à vue, confirme Rémi Donaint, s’est systématisée, y compris parfois pour des actions non violentes apparemment sans gravité, comme des actions antipublicité. Elles sont également prolongées beaucoup plus facilement. À cela s’ajoute parfois une perquisition, la confiscation du téléphone ou de l’ordinateur, la collecte de l’ADN… C’est tout un « arsenal répressif qui est déployé et qui est totalement disproportionné », pour le porte-parole d’Alternatiba. (...)

L’organisation a recensé 317 gardes à vue pour les années 2019-2020 (...)

« Ce qui m’interpelle de plus en plus, c’est l’attitude du parquet, pointe de son côté Me Marie Dosé, une des avocates de Greenpeace. De plus en plus régulièrement, nous obtenons des relaxes devant les juridictions correctionnelles, eu égard à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression, qui considère que les actions de désobéissance civile menées pour des justes causes s’inscrivent dans le débat démocratique et que leur répression est une ingérence disproportionnée. » Même si, bien souvent, le parquet fait appel de ces décisions. (...)

D’une manière générale, Greenpeace a pour principe d’apporter un soutien juridique et financier complet et sans faille à ses militant·es interpellé·es et leur conseille même de refuser la collecte de leur ADN en vue de leur inscription au fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg) ou de donner le code de leur téléphone portable. Ces refus peuvent entraîner de nouvelles poursuites dont les frais sont, eux aussi, entièrement pris en charge par l’association.

Cette politique offre un confort non négligeable aux militants et militantes participant régulièrement à des actions de désobéissance civile (lire ici le portrait de Paulo, cordiste pour Greenpeace). Mais elle nécessite un investissement non négligeable de l’association en moyens humains et financiers. L’association a fait le choix de juristes en interne et collabore avec une quarantaine d’avocats et professeurs de droit, dont une dizaine de réguliers.

Tout cela a un coût : le budget juridique annuel de Greenpeace représente 0,5 % de son budget total, soit tout de même la somme de 150 000 euros chaque année. (...)

La sensibilisation sur le péril climatique porte ses fruits, même si les magistrats restent mal à l’aise avec la notion de désobéissance civile, qui pose frontalement la question de l’équilibre entre le respect de la loi et la légitimité d’une action militante (...)

Le procès n’est donc pas systématiquement aussi craint qu’on pourrait le penser par les militant·es écologistes, même s’il reste pour beaucoup un moment difficile à vivre. Pour certain·es, il est même un prolongement de la désobéissance civile et l’occasion de politiser les actions. (...)

Les enquêteurs ont par ailleurs déployé des moyens exceptionnels à l’encontre des sept militants alors poursuivis pour « association de malfaiteurs », une qualification finalement abandonnée par la justice.

Le « délit d’intention » est par ailleurs de plus en plus mobilisé contre certains militants radicaux, notamment la bande organisée et l’association de malfaiteurs. (...)

L’intransigeance et la sévérité des autorités vis-à-vis des actions de désobéissance civile et de certains mouvements luttant notamment contre l’artificialisation des sols ou l’agriculture intensive contraste avec l’indulgence dont elles peuvent faire preuve vis-à-vis d’autres mouvements sociaux recourant à un niveau de violence comparable, voire souvent supérieur. (...)

Voir aussi :

 (Mediapart/A l’air libre/video) (accès libre)
Militants écologistes : en Europe, la grande répression

Jamais l’alerte climatique n’a été aussi aiguë. Jamais les militants du climat n’ont été aussi réprimés en Europe. Une émission avec le rapporteur spécial de l’ONU Michel Forst, la militante écologiste allemande Luisa Neubauer, et Tom, manifestant contre les mégabassines.

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